Je viens de regarder le film "The Mothman Prophecies" de Marc Pellington (ou Propheties des Ombres en francais) et j'ai été tres agreablement surprise, ce qui est beaucoup dire, car j'ai lu le livre de John Keel dont le film est adapté et en general, les adaptations pour le cinema me decoivent. Le film, bien que romancé, ca va de soi, est dans l'ensemble fidèle aux evenements qui se sont déroulés à Point Pleasant dans les années 60. Ce film est tourné de manière tres subtile, certaines sequences sont tres proches des images recurentes de traumatismes. Tout comme la bande-son, les images refletent une hyper-sensibilité à la limite de la paranoïa. C'est un film tres atmospherique, et la terreur qui y est dépeinte n'est jamais grossière. C'est une terreur de l'homme moderne face à l'inexplicable, à l'impossibilité de percer le mystere. Je craignais un peu que cette adaptation soit de la vulgarisation, avec tout le sensationnel cheap qui l'accompagne, mais non, pas du tout. Le film n'explique rien, tout le mystere est intact et c'est bien ainsi qu'il entend demeurer.
Pour plus d'informations sur le Mothman ou Homme-Phalène, c'est à cette adresse:
http://secretebase.free.fr/ovni/dossiers/mothman/mothman.htm
Nul besoin de préciser que ce film s'inscrit dans la pure tradition daimonique ;-).
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"Ikkyu, le moine japonais fou a ecrit un poeme:
Tu fais ceci, tu fais cela
Tu argumentes à gauche, tu argumentes à droite
Tu montes, tu descends
Cette personne dit non, tu dis oui
En arriere et en avant
Tu es heureux
Tu es vraiment heureux
Ce qu'il dit est: Arrête tous ces non-sens. Tu es vraiment heureux. Cesse juste une minute et tu realiseras que tu es vraiment heureux juste en "etant". Je pense que c'est la poursuite du bonheur qui gâche le bonheur. Si on abandonne la poursuite, c'est juste là."
James Hillman ( http://www.scottlondon.com/interviews/hillman.html )
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DIRE LA VERITE AUX ENFANTS
samedi 22 décembre 2007
Alice Miller
Traduit par Pierre Vandevoorde (janvier 2007)
J’essaie parfois de m’imaginer comment quelqu’un qui aurait grandi sur une planète où il ne vient à l’idée de personne de battre un enfant pourrait bien ressentir les choses. Un jour peut-être, grâce aux progrès de la recherche spatiale, on pourra voyager de planète en planète, et des êtres aux moeurs complètement différentes aborderont notre terre. Que se passera-t-il donc dans la tête et le coeur d’un d’entre eux lorsqu’il verra des humains adultes et vigoureux se jeter sur de petits enfants sans défense et les frapper dans un élan de fureur?
Il est encore très courant aujourd’hui de croire que les enfants ne peuvent pas avoir de sentiments, et d’être persuadé que ce qu’on peut leur faire subir n’a pas de conséquences, ou à la rigueur d’une moindre importance que chez les adultes, justement parce qu’ils sont „encore des enfants“. C’est ainsi que jusqu’à une date récente, les opérations d’enfants sans anesthésie étaient encore autorisées. Plus encore, circoncision et excision sont considérés dans de nombreux pays comme des coutumes traditionnelles légitimes, tout comme les rites d’initiation sadiques..
Frapper des adultes, c’est de la torture, frapper des enfants, c’est de l’éducation. Est-ce que cela ne suffit pas à mettre clairement et nettement en évidence une anomalie qui perturbe le cerveau de la plupart des gens, une "lésion", un trou énorme à l’endroit où on devrait trouver l’empathie, en particulier ENVERS LES ENFANTS ? Au fond, cette observation suffit à prouver la justesse de la thèse selon laquelle le cerveau de tous les enfants qui ont été frappés en gardent des séquelles, parce que presque tous les adultes sont insensibles à la violence que subissent les enfants !
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Il n'y a pas de "bonne fessée" !
Pourquoi les fessées, les gifles et même des coups apparemment anodins comme les tapes sur les mains d'un bébé sont-elles dangereuses ?
Quelles leçons le bébé retient-il des fessées et d'autres coups?
C'est le corps qui garde en mémoire toutes les traces nocives des supposées "bonnes fessées".
Comment se libère-t-on de la colère refoulée?
Dans l'enfance et l'adolescence :
A l'âge adulte :
Inversement, on peut prendre conscience du refoulement, essayer de comprendre comment la violence se transmet de parents à l'enfant et cesser de frapper les enfants quel que soit leur âge. On peut le faire (beaucoup y ont réussi) aussitôt qu'on a compris que les seules vraies raisons de donner des coups "éducatifs" se cachent dans l'histoire refoulée des parents.
www.alice-miller.com
© 2009 Alice Miller
"L'indignation, une ouverture pour la thérapie" d'Alice Miller
(Traduit de l'allemand par Pierre Vandevoorde)
Il arrive régulièrement que des livres ou des articles nous exposent des situations ou des faits épouvantables (animaux martyrisés, exploitation de la nature, tortures, despotisme…), et il est naturel que nous y réagissions par l'expression de sentiments forts. C'est en tout cas ce qui se passe pour la plus grande partie de la population à même de penser et de ressentir, qui réagit alors par l'indignation. Il y a pourtant une exception: quand il s'agit de mauvais traitements infligés aux enfants, comme les coups et les claques, on constate en général une indifférence étonnante, parce que la plupart des gens est toujours convaincue que les coups sont indispensables aux enfants et n'ont pas de conséquences néfastes.
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"My kingdom is at peace. Once again, I lived as I dreamed".
(Mon royaume est en paix. Une fois de plus, j'ai vécu comme j'ai rêvé)
Un petit joyau de film britannique (de Joshua Michael Stern )avec le charismatique Ian McKellen dans le rôle d'un patient schizophrène. Le concept de cette histoire m'a évoqué la "fiction qui soigne" de James Hillman ou encore les travaux de Ronald D. Laing . La métaphore, si elle suit son cours naturel, peut mener à un dénouement. Essayer de l'enrayer par la raison n'a jamais aidé à faire sortir les patients des hôpitaux psychiatriques. Car la fiction a sa raison d'être. L'histoire doit être ecoutée. Et vécue.
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LES DOUZE MOIS
Il était une fois une veuve qui avait une fille et une belle-fille. Helen, la plus jeune, était l’enfant issu de son premier mariage, tandis que Marouckla était l’enfant du premier mariage de son mari dés lors décédé. La veuve adorait Helen mais ne pouvait supporter Marouckla l’orpheline. Elle était beaucoup plus jolie que sa demi-sœur et de plus, elle n’en tirait aucune vanité. Marouckla ne comprenait pas pourquoi sa belle-mère était contrariée chaque fois que ses yeux se posaient sur elle.
Les taches les plus salissantes et les plus pénibles tombaient toujours sur Marouckla. Elle nettoyait toutes les chambres, faisait la cuisine, la lessive et la couture, filait, tissait, rentrait le foin, et la traite des vaches aussi lui échoyait. Et tout cela sans l’aide d’Helen. Et comment la cadette occupait son temps ? Elle ne faisait rien d’autre que d’essayer ses jolis vêtements et de regarder son reflet dans le miroir. Marouckla avait de bonnes raisons de se plaindre, mais elle ne le faisait jamais. Elle endurait les sarcasmes et la mauvaise humeur de sa belle-mère avec une patience qui ne faisait qu’ennuyer davantage la veuve. La vieille femme devint encore plus tyrannique et acariâtre, et pour empirer les choses, Marouckla devint, elle, de plus en plus jolie à mesure que la laideur d’Helen se confirmait.
La belle-mère en vint finalement à la conclusion que la seule chose à faire était de se débarrasser de Marouckla ; aussi longtemps qu’elle serait sous le même toit, Helen ne trouverait pas de prétendants. La veuve utilisa tous les moyens à sa disposition pour rendre la vie de la pauvre Marouckla aussi misérable que possible – la faim, l’abus, la négligence et les coups. Les hommes les plus durs n’auraient pu être plus cruels que la méchante vieille veuve. Mais, en dépit de toutes ces épreuves, Marouckla devint encore plus radieuse et aimable.
Un jour, au beau milieu de l’hiver, Helen décida qu’elle voulait des violettes. « Marouckla », dit-elle, « Je veux que tu ailles dans la forêt et cueilles des violettes. Je voudrais en décorer mes cheveux, car elles se marieront très bien avec les tons de ma nouvelle robe de bal. »
« Mais ma sœur » rit Marouckla « qui a jamais entendu parler de violettes fleurissant au cœur de l’hiver ? ».
« Oses-tu me désobéir ? Petite peste ! Misérable insolente !»
« Mais… »
« Marouckla » intervint la veuve « n’as tu pas entendu ta sœur ? Pas un mot de plus, maintenant et ouste ! Si tu ne rapportes pas des violettes de la forêt de la montagne, tu peux oublier le chemin qui ramène ici ! » A coups de pieds et de mains, elle chassa Marouckla hors de la maison, ne lui permettant même pas d’attraper sa cape. « Voilà » dit la veuve « et si tu reviens avec un panier vide, tu peux être sûre que je te tuerai moi-même »
La jeune fille, sanglotant, prit le chemin vers la montagne. La neige était profonde sans aucune empreinte de pied humain. Qui serait dehors par un temps pareil ? Longtemps, la jeune fille erra de ci de là, sachant qu’elle ne parviendrait jamais à trouver des violettes. Bientôt, elle se perdit. Elle était affamée, fatiguée et tremblait de froid. Allait-elle mourir ici, seule ?
Soudain, elle vit une lumière au loin. Pensant qu’elle devait provenir d’une chaumière de montagne, elle commença de grimper vers elle. Elle grimpa et grimpa jusqu’à ce qu’elle atteignit le sommet du pic. Sur le plus haut pic brûlait un grand feu, et autour trônaient sur douze blocs de pierre des figures en longues robes. De ces douze étranges figures, trois avaient les cheveux blancs, trois étaient d’âge moyen, trois étaient pleins de jeunesse et de beauté, et les autres étaient encore plus jeunes. « Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? » murmura Marouckla.
Ils étaient tous assis, silencieux face au feu. Ils étaient les Douze Mois de l’Année. Le grand Setchéne, Janvier était assis plus haut que les autres ; ses cheveux et sa moustache étaient aussi blancs que neige, et dans sa main, il tenait une baguette. Marouckla était terriblement effrayée pour commencer, mais elle prit quelques profondes respirations et le courage lui revint. Elle s’approcha du feu et dit , « Mes bonnes gens, puis-je me réchauffer à votre feu ? Je suis gelée par le froid hivernal ».
Le grand Setchéne leva la tête et demanda, «Qu’est ce qui t’amène ici, mon enfant ? Quelle est cette chose que tu cherches ? »
« Je cherche des violettes » répondit la jeune fille, se sentant plutôt idiote.
Les sourcils de Setchéne se haussèrent sous la surprise. « Ce n’est pas la saison pour les violettes ! Regarde autour de toi, ne vois-tu pas la neige recouvrant le sol ? »
« Je sais », soupira Marouckla , « mais ma sœur Helen et ma belle-mère m’ont ordonné de ramener des violettes de la montagne. Sinon, elles me tueront .»
Le grand Setchéne étudia la jeune fille durant un moment de silence, et il se tourna vers Mars, le plus jeune de tous les mois, et pressa la baguette entre ses mains. « Frère Brezéne, prend le trône le plus haut .»
Brezéne obéit, et alors qu’il s’asseyait sur le trône, il agita la baguette au dessus du feu. Immédiatement, les flammes s’élevèrent vers le ciel, la neige commença de fondre et les bourgeons sur les arbres de se former ; l’herbe devint verte et entre les brins émergèrent de pâles primevères. C’était le printemps, et les prairies étaient bleues de violettes.
« Cueille- les vite, Marouckla ! » pressa Brezéne.
Gaiement, elle se hâta de cueillir les fleurs, et aussitôt son panier en fut plein à ras-bord. Elle remercia les Douze Mois, et courut jusqu’à la maison aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Alors qu’elle se précipitait sur le seuil de la chaumière, sa belle-mère s’écria, « Marouckla ! Je t’avais dit de ne pas revenir à moins que …à moins…quoi ?! » Ses yeux s’agrandirent d’étonnement alors qu’elle découvrait les violettes.
« Où les as-tu trouvées, Marouckla ? » demanda Helen hargneuse.
« Sous les arbres sur le flanc de la montagne » dit Marouckla « Tu sembles surprise, chère sœur. Ne voulais-tu pas des violettes ? »
Helen saisit les fleurs et les emmena dans sa chambre, ne remerciant même pas Marouckla pour la peine qu’elle s’était donnée. Le jour suivant, elle vint au petit déjeuner avec un sourire perfide aux lèvres. « Marouckla », dit-elle d’un ton sirupeux, « apporte-moi des fraises de la forêt. N’oublie pas qu’elles doivent être sucrées et mûres ».
« Des fraises ? » s’exclama Marouckla. « Qui a jamais entendu parler de fraises mûrissant dans la neige ? »
« Tiens ta langue, petit ver de terre ! Comment oses-tu me parler ainsi ? Si tu ne m’apportes pas mes fraises, je te tuerai ! »
La belle-mère saisit Marouckla par les cheveux et la traîna vers la porte, la poussa au dehors et verrouilla la porte.
La jeune fille malheureuse reprit le chemin du retour vers le sommet de la montagne et le grand feu autour duquel étaient assis les Douze Mois. Le grand Setchéne occupait le trône le plus haut.
« Mes chers amis, » Marouckla sourit, « puis-je m’asseoir près de votre feu pour m’y réchauffer ? Le froid de l’hiver est pire qu’il ne l’était auparavant. »
Le grand Setchéne leva la tête, « Pourquoi es-tu ici, Marouckla ? Quelle est cette chose que tu cherches ? »
« Des fraises », répondit Marouckla, « ma sœur m’a envoyé cueillir des fraises. »
« Nous sommes au milieu de l’hiver », répondit Setchéne d’un hochement négatif de la tête, « et tu dois comprendre que les fraises ne poussent pas dans la neige. »
« Je sais, je sais », dit Marouckla. « Mais si je reviens sans fraises, ma sœur s’est jurée de me tuer. S’il vous plait, bonnes gens, dîtes-moi où je peux les trouver ! »
Le grand Setchéne se leva et traversa le cercle vers le mois qui lui était opposé. Il plaça la baguette dans ses mains et dit, « Sœur Tchervéne, veuilles prendre place sur le trône le plus haut. »
Juin obéit, et alors qu’elle agitait la baguette au dessus du feu, les flammes s’élevèrent vers le ciel. Instantanément, la neige fondit, la terre se recouvrit de vert, plantes et feuilles sur les arbres, et diverses fleurs faisaient leur apparition dans toute la forêt. C’était l’Été dans toute sa gloire. Sous les buissons, des lots de fleurs blanches en étoile se transformaient en fraises, sous les yeux émerveillés de Marouckla, elles couvrirent rapidement la clairière, la faisant ressembler à un tapis rouge.
« Cueille-les vite, Marouckla ! », dit Tchervéne.
Joyeusement, elle remercia les Douze Mois, et ayant rempli son tablier de fraises, courut à toute vitesse jusqu’à la maison. Helen et sa mère regardèrent les fraises qui emplissaient la chaumière de leur délicieux parfum.
« Où as-tu trouvé ça , Marouckla? » demanda Helen revêche.
« Tout en haut de la montagne, où tu m’as dit d’aller. Ne sont-elles pas à ton goût ? »
Helen en distribua quelques unes à sa mère, et engouffra le reste ; pas une seule elle n’offrit à sa demi-sœur. Le matin suivant, elle se mit à désirer des pommes, des pommes rouges et mûres.
« Cours, Marouckla, cours dans la forêt et rapporte-moi les pommes les plus fraîches que tu puisses trouver .»
« Des pommes en hiver ? Tu dois plaisanter ! Comment cela se pourrait-il alors que les arbres n’ont ni feuilles, ni fruits. »
« Imbécile, pars cette minute même ! », dit Helen. « Si tu ne me rapportes pas de pommes, nous te tuerons. »
De la même manière que les deux précédentes fois, la belle-mère saisit Marouckla brutalement et la jeta hors de la maison. La pauvre enfant fit le chemin sanglotant jusqu’à la montagne, à travers la neige profonde sur laquelle il n’y avait nulle empreinte humaine et arriva au feu autour duquel étaient assis les Douze Mois. Immobiles, ils se tenaient, et sur le trône le plus haut était le grand Setchéne. Ils l’avaient aidé auparavant, l’aideraient-ils encore ?
« Mes bonnes gens, puis-je me réchauffer près de votre feu ? », Marouckla demanda alors qu’elle s’approchait. « Les vents d’hiver me font tellement trembler. »
Le grand Setchéne leva la tête et regarda directement la jeune fille, « Pourquoi es-tu encore ici, mon enfant ? Quelle est cette chose que tu cherches ? »
« Je suis ici à la recherche de pommes rouges », répondit Marouckla.
« C’est l’hiver, ma fille, et non la saison des pommes rouges », observa le grand Setchéne avec un sourire.
« Je sais », répondit la jeune fille, « mais ma sœur et ma belle-mère m’ont envoyé cueillir des pommes rouges sur la montagne ; si je retourne sans elles, elles me tueront. »
Le grand Setchéne se leva et s’avança vers l’un des mois les plus vieux, auquel il tendit la baguette et dit, « Mon frère Zaré, prends le trône le plus haut. »
Septembre alla sur le trône le plus haut et agita la baguette au dessus du feu. Il y eut une irruption de flammes rouges, la neige disparut, mais les feuilles mortes qui tremblaient sur les arbres furent emportées par le vent du nord-est et dispersées en tapis doré sur le sol de la clairière. Seules quelques fleurs d’automne étaient visibles, comme l’inule et l’œillet rouge, et il y avait du safran des près dans le ravin, et de la bruyère sous les hêtres. Au commencement, Marouckla chercha en vain des pommes rouges. Enfin, elle repéra un arbre qui poussait en hauteur, et de ses branches pendaient les fruits rouges vif. « Vite, Marouckla, cueille les pommes! », lui empressa Zaré.
La jeune fille était enchantée et secoua l’arbre. D’abord, une pomme en tomba, et puis une autre.
« C’est assez, » dit Zaré, « hâte-toi vers la maison maintenant ».
Remerciant les mois, elle s’en retourna. Helen était sans voix et la veuve regardait les fruits, étonnée.
« Où les as-tu cueillies ? » demanda la belle-mère.
« Sur le sommet de la montagne. Il y en a beaucoup là-haut. »
« Alors pourquoi n’en as-tu pas ramené davantage ? » Helen vociféra. « Tu les as sûrement mangées sur le chemin du retour, vilaine fille ! »
« Oh, non ! Je ne les ai même pas goûtées ! » dit Marouckla.
« J’ai secoué l’arbre deux fois, et une seule pomme en est tombée chaque fois. Je n’étais pas autorisée à le secouer encore une fois, et on m’a dit de rentrer chez moi ! »
« Puisse Zeus te frapper de sa foudre ! » s’écria Helen, la frappant à plusieurs reprises.
Marouckla pria d’être morte plutôt que d’avoir à subir davantage de sévices. Pleurant amèrement, elle s’enfuit dans la cuisine. Helen et sa mère avaient chacune une pomme, et les trouvèrent plus délicieuses que toutes les pommes qu’elles avaient pu déguster auparavant.
« Ecoute, mère, » dit Helen, « apporte-moi ma cape. Je cueillerai plus de ces pommes moi-même. Elles sont trop bonnes pour être laissées dans la forêt ! Je peux trouver la montagne et l’arbre, et personne n’osera me dire d’arrêter de secouer cet arbre ! »
En dépit des inquiétudes de la mère, Helen se revêtit de sa cape, couvrit sa tête d’un chaud capuchon, et prit la route de la montagne. La mère se tenait sur le seuil et regardait sa fille disparaître dans la forêt.
La neige recouvrait tout, et pas une seule empreinte à la surface. Helen se perdit, et erra de ci, de là. Après un long moment, elle vit une lumière au dessus d’elle, et la suivant, atteignit le sommet de la montagne. Là était le grand feu, les douze trônes et les Douze Mois. Au début, elle était effrayée et hésitante, puis elle s’approcha et se réchauffa les mains. Elle ne demanda pas la permission, ni ne proféra un mot de politesse.
« Qu’est-ce qui t’amène ici, Helen ? » dit le grand Setchéne sévèrement. « Quelle est cette chose que tu cherches ? »
« Je ne suis pas obligée de te le dire, vieil homme. En quoi cela te concerne t-il ? » répondit-elle avec dédain, tournant le dos au feu et se dirigeant vers la forêt.
Le grand Setchéne fronça les sourcils, et agita sa baguette au dessus de sa tête. Instantanément, le ciel se couvrit de nuages, le feu faiblit, la neige tomba à gros flocons, et un vent glacial hurla autour de la montagne. Au milieu de la furie de la tempête, Helen maudit sa demie-sœur. Sa cape ne parvenait pas à réchauffer ses membres gelés, et elle se perdit parmi les tourbillons du blizzard.
La belle-mère continua de guetter le retour de sa fille. Elle regardait de la fenêtre et guettait sur le pas de la porte, mais la fille jamais ne reparut. Les heures passaient lentement, et la tempête empira, mais Helen ne revint pas.
« Se pourrait-il que les pommes l’aient enchantée loin de la maison ? Peut-être ma fille égoïste a t-elle décidé de se garder toutes les pommes pour elle seule ! » grommela la vieille femme. Puis, elle se revêtit de sa cape et capuchon et partit à la recherche de sa fille. « Lorsque j’attraperai celle-là, je vais la secouer pour la punir de me causer tant de tracas! » La neige tombait en énormes flocons ; elle recouvrait tout, un épais manteau vierge de toute trace. Pendant un long moment, la vieille femme erra de ci, de là, le vent glacial du nord-est sifflait dans les montagnes, mais aucune voix ne répondait à ses appels.
Jour après jour, Marouckla travaillait; mais ni sa belle-mère, ni sa demi-sœur ne revinrent, et elle pouvait seulement suspecter qu’elles étaient mortes de froid sur la montagne. L’héritage de la petite chaumière et d’une vache lui revinrent. Après un temps, un fermier honnête vint partager sa vie et ils vécurent heureux et paisibles.
Conte russe que j'ai traduit de l'anglais.
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Le petit dernier, un hommage à Morozko, le Petit Père Hiver du folklore russe:
C'est lui qui créé toutes les jolies lumières scintillantes en attendant le retour du soleil.
Morozko:
Le Père Gel et sa petite fille, Snegourochka, petite fille des neiges, sont les deux personnages indissociables du Noël russe. Le Père Gel est habillé d’un grand manteau rouge orné de fourrure blanche (synthétique bien évidemment !), c’est un homme plutôt âgé qui a l’air d’un grand-père avec une grande barbe blanche. Snegourochka, sa petite-fille, est habillée d’une robe bleue ou blanche décorée de paillettes, elle porte sur la tête un magnifique kokochnik - diadème - orné de pierres. Il faut dire que les mots gel et neige n’ont pas un sens uniquement symbolique en Russie, au début du mois de janvier, une grande vague de froid traverse le pays à grands pas. Dans certaines villes la température peut descendre jusqu'à moins de 40°. Les enfants sont en vacances et participent beaucoup aux différents outrenniks - les spectacles du matin, toujours en présence du Père Gel, de Snegorouchka et des personnages populaires des contes russes parmi lesquels la méchante Baba-Yaga, qui essaie de raisonner les enfants, en vain ! La Russie ne manque pas de bois et à cette époque, les beaux sapins apparaissent dans les foyers russes, dans les écoles, et selon la tradition il y a toujours un beau sapin décoré sur la place centrale de chaque ville. Les spectacles Rojdestvenskie Elki sont organisés régulièrement autour des sapins où le Père Gel distribue les cadeaux aux enfants. Il y a bien longtemps, Morok, le dieu du froid, se déplaçait dans les villages et envoyait le gel. Pour essayer de se protéger du froid mordant, les villageois mettaient des cadeaux sur leurs fenêtres: bliny, kissiel, biscuits, koutia. Petit à petit, le méchant Morok s'est transformé en gentil Ded Moroz (Père Gel ou Père Hiver) qui apporte les cadeaux lui-même. Snegourotchka, fille de Ded Moroz et de Vesna (la déesse du printemps), l'accompagne dans cette mission. Les fêtes d'hiver commençaient le jour du solstice. Le jour le plus court s'appelait "karatchoun". Ensuite commençaient les rites consacrés aux âmes des ancêtres: pour les honorer, on préparait des mets rituels, et la nuit du 25 décembre les gens faisaient les feux de paille pour "réchauffer" les âmes des ancêtres.:
Morozko, Morozka, Treskoun, Stoudenets:
Dieu de l'hiver et du froid, personnage des contes et du folklore. Il commande la neige et le gel. Moroz vit dans la forêt, dans une izba de glace. On croyait que si Moroz tapait sur le coin de l'izba, un madrier se fissurerait. Selon certaines légendes, c'est Morok qui s'est transformé en Moroz au fil des siècles. Moroz est un personnage important des rites slaves: par exemple, la veille de Noël, dans chaque famille le plus âgé sortait sur le seuil de la maison et proposait à Moroz une cuillère de kissiel ou de koutia en disant: "Moroz! Moroz! Viens manger du kissiel. Moroz! Moroz! Ne gèle pas nos récoltes!", et ensuite il énumérait les plantes et les céréales qu'il ne devait pas geler.
Voici comment se présente Ded Moroz à l'époque actuelle:
1. Il porte un chapeau très chaud, bordé de fourrure, sans pompons.
2. Son nez est rouge (pas d'analogies incongrues! La vodka n'y est
pour rien, c'est seulement à cause du froid!). Parfois le nez est bleu.
3. Sa barbe est très longue et soyeuse, comme la neige.
4. Ded Moroz porte une longue pelisse bleue. Sous l'influence de ses homologues occidentaux, la couleur rouge est admise aussi.
5. Ses mains sont cachées dans de gros gants chauds.
6. La pelisse de Ded Moroz n'a pas de ceinture en cuir. Il porte une
ceinture en tissu, et maintenant il ferme sa pelisse avec les boutons.
7. Il chausse des bottes de feutre (valenki).
8. Ded Moroz tient un long bâton avec lequel il lance le gel.
9. Un sac plein de cadeaux est un attribut bien plus récent du Maître de l'hiver. Certains enfants croient que le sac est sans fond. En tout cas, Ded Moroz ne laisse personne le toucher et en sort des cadeaux tout seul.
10. Ded Moroz se déplace à pied, dans l'air, à ski ou sur un traîneau
tiré par trois chevaux.
11. A la différence de ses homologues occidentaux, Ded Moroz a une
fille Snégourotchka qui est aussi la fille de Vesna, la déesse du printemps.
12. Ded Moroz ne porte pas de lunettes et ne fume pas la pipe.
Snégourotchka ou la petite fille des neiges.
Fille (ou selon certaines légendes, petite-fille) de Ded Moroz (le Père Hiver) et de Vesna, la déesse du printemps. Parfois en été elle vit chez les gens et les aide. Quand elle se promène dans la forêt, les petits animaux viennent la voir. Son coeur est froid, et si quelqu'un arrive à l'enflammer d'amour, elle fond sous les rayons du dieu soleil Iarilo. A Noël, elle apporte les cadeaux avec Ded Moroz.
Sources: google.
Le conte de MOROZKO
Il etait une fois un vieil homme et une vieille femme qui avaient trois filles. La vieille femme n’aimait pas l’ainée, qui etait en réalité sa belle-fille. Sans arrêt, elle la tancait, la faisait lever avant l’aube pour la charger d’innombrables besognes. La jeune fille devait soigner les bêtes, faire la corvée d’eau pour l’heure du lever. Et, malgré tout cela, jamais la vieille n’etait contente et elle ne cessait de crier apres Marfa : « Fainéante, souillon ! et le banc du poële qui n’est pas à sa place, et l’isba qui est sale ! »
La pauvrette pleurait en silence. Elle s’efforcait par tous les moyens de plaire à sa marâtre et de servir les filles de celle-ci ; mais les filles, qui imitaient leur mère, taquinaient méchamment Marfa, lui jouaient de vilains tours et la faisaient pleurer : c’etait même devenu un de leurs jeux favoris. Quant à elles, elles se levaient tard, se servaient pour faire leur toilette de l’eau que Marfa avait été puiser, de la serviette que Marfa avait lavée et repassée, et n’etaient jamais prêtes qu’au moment de passer à table. Cependant, nos jeunes filles allaient grandissant, s’epanouissant à vue d’œil. L’heure vint de songer à les marier. Conter, c’est vite fait, agir, c’est bien plus long. Le vieil homme aurait bien eu pitié de sa fille ainée, il l’aimait non seulement parce qu’elle etait obéissante et laborieuse, mais aussi parce qu’elle etait aimable et affectueuse. Mais il ne savait que faire, il etait faible, et la vieille femme avait toujours le dessus.
Ainsi donc, nos vieux se prirent à songer : tandis que le vieil homme se demandait quel parti trouver pour ses filles, la vieille femme resolut d’en profiter pour se débarrasser de l’ainée. Un jour, elle dit au vieil homme : « Il faut marier Marfa ! – bien, dit le vieil homme en montant péniblement se coucher. – demain, tu te lèveras un peu plus tôt que de coutûme pour atteler la jument au traineau. Tu amèneras Marfa. Quant à toi, Marfa, demain tu vas en visite. N’oublie pas de mettre dans un panier tout ce que tu possèdes et de mettre des vêtements propres ! »
La bonne Marfa fut heureuse à l’idée que le lendemain elle allait en visite et elle dormit bien. Au matin, elle se leva de bonne heure, se lava, rassembla toutes ses maigres affaires, s’habilla de son mieux, et il faut reconnaître qu’elle etait une tres jolie fille. Or, on etait en plein hiver, dehors régnait le gel craquant, Morozko le Père Hiver.
Au matin, à la pointe du jour, le vieil homme attela la jument et approcha le traineau du perron.
« C’est fait, tout est prêt ! dit-il en entrant. – mettez-vous à table et mangez un morceau ! » - dit la vieille femme.
Le vieil homme s’installa et prit la miche, et coupa une tranche mais Marfa n’eut qu’une coupelle remplie d’un restant de soupe aux choux. La vieille femme dit :
« Allons, ma chère, mange, et file ! Je t’ai assez vu comme cela ! Toi, barbe grise, tu vas conduire Marfa à son fiancé, mais prends garde de prendre le grand chemin et d’aller directement vers la forêt de sapins. Tu iras ensuite droit jusqu’au grand sapin qui est sur les hauteurs. Une fois là, donne-la à Morozko, le Père Hiver ! »
Le vieil homme écarquilla les yeux, ouvrit la bouche et cessa de manger. La pauvre Marfa commenca de sangloter.
« Allons, allons, assez pleurniché ! De quoi te plains-tu ? Ton fiancé est riche et beau ! Ses biens sont innombrables, sapins, pins, bouleaux couverts de blanc cristaux, tout cela est à lui ! Tu vivras richement et tous t’envieront ! »
Le vieil homme savait qu’il etait inutile de discuter les ordres de sa femme et en silence, il emmena sa fille jusqu’au traineau et l’enveloppa dans une vieille couverture et ils partirent. Le temps passait-il vite ou non, je ne sais, conter c’est vite fait, agir, c’est bien plus long. Enfin, il parvint à la forêt de sapins, quitta le sentier et avanca sur la neige glacée. Il s’enfonca dans l’obscurité du sous-bois. Parvenu au sapin, il s’arrêta, fit descendre sa fille, déposa le panier au pied de l’arbre et dit : « Reste là à attendre ton fiancé ; surtout, fais-lui bon accueil ! » Puis il tourna bride et tout attristé, rentra à la maison.
La jeune fille enveloppée de sa fine pelisse de mouton tremblait de la tête aux pieds. Ses dents s’entrechoquaient si fort qu’elle n’avait pas la force de pleurer. Tout-à-coup elle entendit un craquement : c’etait Morozko qui sautait de sapin en sapin en faisant claquer ses doigts. D’un bond, il atteignit le sapin au pied duquel etait assise la jeune fille et de là-haut il questionna :
« Tu as chaud, belle fille ? – mais oui, j’ai chaud, Morozko ! »
Le Père Hiver se mit à descendre, craquant et claquant des doigts de plus belle. Et il demanda :
« Tu as chaud, jeune fille ? Es-tu sûre ? »
La belle fille, qui respirait à peine, remua encore les lèvres :
« Oh, j’ai chaud, Morozko! J’ai chaud ! »
Morozko se mit à craquer et à claquer des doigts encore davantage et dit :
« Tu as chaud, jeune fille ? Tu as chaud maintenant, belle fille ? As-tu chaud, ma chérie ? »
La belle fille, dont les membres s’engourdissaient, n’eut plus la force que de murmurer encore :
« Assez chaud, mon cher Morozko ! »
Alors, cette fois, le Père Hiver s’attendrit, il enveloppa la jeune fille de riches fourrures et la réchauffa dans des couvertures bien chaudes.
Au matin, la vieille femme dit à son mari : « Allez, va réveiller les jeunes époux ! » Le vieil homme larmoyant attela le cheval et partit. Lorsqu’il arriva, il trouva sa fille vivante, couverte d’une fourrure somptueuse, d’un voile nuptial magnifique, avec, aupres d’elle un coffre rempli de sublimes cadeaux. Emerveillé, il chargea le tout sur le traineau, monta dedans avec sa fille et prit le chemin du retour. En rentrant au logis, la vieille marâtre etait stupéfaite de la voir revenir vivante, couverte d’un magnifique manteau et ramenant un coffre de précieux cadeaux.
« Non, mais ce n’est pas ainsi que l’on m’abuse ! »
A quelque temps de là, la vieille femme déclara à son epoux : « Mes filles aussi, il faut les conduire au même fiancé ! Les cadeaux qu’a recu Marfa ne sont rien comparés à ceux qu’il fera à mes filles ! » Conter, c’est vite fait, agir, c’est bien plus long. De très bonne heure, la vieille femme prépara à ses filles un repas copieux, elle les para de leurs plus beaux atours et leur souhaita bonne route. Le vieil homme laissa ses filles au même endroit sous le pin. Nos demoiselles resterent là à ricaner entre elles :
« Quelle idée elle a, notre mère, de nous donner toutes les deux en mariage en même temps ! Comme s’il n’y avait pas assez de gars au village ? A qui diable allons-nous avoir affaire ? » Les jeunes filles avaient beau être couvertes de manteaux de fourrure, le froid les saisit.
« Comment te sens-tu, Prascovia ? Moi, je suis couverte de frissons. Alors, il vient, ce fiancé ? On va geler à l’attendre ! – Oh, tais-toi, Macha ! Comme si les fiancés se presentaient tôt le matin ! Ce n’est même pas l’heure du déjeûner, et en plus, on a rien à manger ! A ton avis, Prascovia, s’il n’en vient qu’un, qui prendra t’il ? – sûrement pas toi, bécasse ! – parce que tu te figures que c’est toi qu’il va prendre ! Bien sûr que c’est moi ! – toi ! Arrête de dire des bêtises ! »
Et comme le gel raidissait leurs mains, elle les glisserent sous leurs manteaux et reprirent :
« Tête de bois, sale teigne ! Tu ne sais même pas filer ! – Et toi, vantarde, qu’est ce que tu sais faire ? Courir de veillée en veillée et t’empiffrer. On va bien voir qui il choisira ! »
Tout en débitant ainsi sornettes après sornettes, les deux jeunes filles grelottaient pour de bon. D’une même voix, elles s’ecrierent : « Quelle brute ! Mais que fait-il donc ? Pourquoi tarde t-il ? Tu es toute bleue de froid ! »
Soudain, dans le lointain, le Père Hiver se mit à craquer et à claquer des doigts tout en sautant de sapin en sapin. Les jeunes filles l’entendirent approcher :
« Tu entends, Prascovia, le voilà qui arrive dans un traineau avec des clochettes ! – laisse-moi, bourrique ! je n’entends rien, je pèle de froid ! – et tu veux te marier ! »
Elles se mirent à souffler sur leurs doigts. Morozko se rapprochait de sapin en sapin. Enfin, le voilà sur le sapin au dessus des jeunes filles. Il dit :
« Vous avez chaud, jeunes filles, hein ? Vous avez chaud, mes chéries ? – Oh, Père Hiver, comme nous avons froid ! Nous nous gelons à attendre un fiancé qui ne vient pas, maudit soit-il ! »
Père Hiver descendit, craquant et claquant des doigts de plus belle :
« Vous avez chaud, jeunes filles ? Vous avez chaud, belles filles ? – Va donc au diable ! Tu es aveugle, ma parole ! Tu ne vois pas qu’on ne sent même plus nos mains et nos pieds tellement ils sont gourds ! »
Père Hiver descendit encore et, leur envoyant un souffle glacé sur le visage, il dit :
« Avez-vous assez chaud maintenant, mes belles ? – Puisses-tu aller à tous les diables, maudit ! » Et les jeunes filles à cet instant même tombèrent à la renverse, pétrifiées.
Au matin, la vieille femme réveilla son homme très tôt et lui dit:
« Tu vas atteler le traineau couvert ! Tu le garniras d’une botte de foin et de pelisses de moutons. Pour sûr, les petites n’ont pas chaud, dehors, il a gelé cette nuit à pierre fendre ! Et dépêche-toi, ne les fais pas attendre ! »
Elle ne le laissa pas prendre de petit déjeûner. Il prit la route vers la forêt de sapins mais lorsqu’il parvint au grand sapin sur les hauteurs, il trouva ses filles mortes. Il les mit dans le traineau, et les recouvrit des pelisses de moutons. Et tristement, revint au logis. L’apercevant la vieille femme courut à sa rencontre en criant :
« Où sont les petites ? – Dans le traineau. »
La vieille femme souleva les pelisses, et se mit à hurler.
Alors, comme l’orage, elle déchaîna sa furie contre son epoux :
« Qu’as-tu fait, vieux bandit ? Tu as tué mes petites, mes filles chéries, mes jolis grains, mes beaux fruits rouges ! Attends que j’attrape la fourche pour te frapper, le tisonnier pour te massacrer ! »
Alors, le vieil homme, pour la premiere fois de sa vie lui tint tête :
« Assez! Tu pensais que tes filles allaient devenir riches, et cela aurait pu leur arriver si elles avaient été aussi gentilles et aimables que ma Marfa. Et puis – qui les a envoyées dans la forêt ? »
La vieille femme pour une fois garda le silence. Quant à Marfa, elle epousa un beau jeune homme du village et ils vécurent heureux. Mais lorsque leurs enfants deviennent turbulents et insolents, le vieil homme leur raconte, pour les effrayer, les histoires du Père Hiver.
Conte que j'ai traduit de l'anglais.
Posted at 14:29 in Pensées | Permalink | Comments (0)
Alors que je me promenais aujourd'hui, jouant à la balle avec mon grand ami Loki le chien dans les averses de grêle et les fortes rafales, j'ai senti soudain mon coeur déborder de joie. La vie dans ce monde est un formidable terrain de jeux à condition que nous voulions bien jouer le jeu. Nous sommes "contés". Chaque journée recèle en elle toutes les trames possibles des contes, tous ses moments forts, ses épreuves initiatiques, ses dénouements. J'aurais pu ecrire: "Alors que je bravais la tempête dans laquelle me jeta la Reine des Glaces, avec à mes cotés mon allié le chien aux yeux d'ambre, celui-ci se mit à effectuer une bien etrange danse, une danse tellement drôle et grotesque que je me mis à rire, et mon rire se transforma en une jolie balle toute ronde et noire, luisant dans la nuit, et soudain, nous devinmes trois compagnons et la Reine des Glaces n'eut plus de prise sur nous. Nous jouions à la balle, l'univers entier dépendait de cette balle, et la Reine des Glaces elle-même se prit dans les filets de notre jeu, poussant de ses fortes rafales la balle ici et là. Nous étions devenus quatre compagnons." Tout peut être conté et à travers les contes, c'est notre vie elle-même que nous "enchantons". C'est bien ce que le héros du conte fait, il enchante sa vie, son univers, et s'enchante lui-même en acceptant de devenir celui par lequel l'histoire du conteur advient. Il est plein de ressources parce qu'il sait que le monde est ressources. Il ne résiste pas, il s'adapte. Il ne reste pas dans sa chrysalide, il s'aventure et accepte le fruit du moment qui lui est tendu. Le héros du conte n'a pas peur du changement, il n'a jamais peur, pas parce qu'il est détaché, mais au contraire, parce qu'il est impliqué dans le flux du conte de sa vie. Il s'investit dans chacune de ces fluctuations mais sans rien retenir. À dire vrai, il ne désire rien de plus qu'une vie digne d'être contée, même s'il doit tout risquer pour cela .Mais qui est donc ce "conteur" auquel le héros se soumet de tout son être? Certains le désignent par l'image des tisseuses, les Nornes, Parques ou Fatas mais on pourrait les désigner d'une manière plus générale par "daimons". Les daimons, maîtres des illusions et des artifices sont les auteurs de ce grand terrain de jeux qu'est l'univers, ce qui fait de nous leurs créatures. Ils content et participent tout à la fois, pleurant et riant avec nous, s'ennuyant lorsque nous nous ennuyons, mais ils ont plus d'un tour dans leur sac pour nous aider à nous sortir de notre léthargie et nous reconnecter au monde. Bien que souvent, ils sont inquiets. Ils se demandent pourquoi les creatures humaines en particulier semblent si mal s'adapter, pourquoi ne voient-elles pas la valeur de ce qui les entoure, pourquoi se comportent-elles comme des enfants gâtés. Ils sentent cette peur de vivre palpiter en nous, cette obsession de vouloir economiser notre souffle comme si par cette vaine tentative nous pouvions retarder l'heure fatale, et même s'ils peuvent compatir, ils ne comprennent pas. Un héros frileux eteint toutes ces fabuleuses histoires que nous aurions pu vivre si seulement nous avions consenti à mordre dans le fruit qui nous etait tendu. Un fruit qui porte en lui tous les possibles, tous les élèments nécéssaires à notre transformation. Transformation? Et oui, c'est bien là où la résistance se fait sentir. On peut vivre de formidables aventures par procuration, en lisant tous les contes du monde sans jamais devenir le héros de sa propre vie. Et pourtant, bien des épreuves sont jetées en travers de notre chemin pour éveiller ce héros en nous, mais nous choisissons de nous porter en victimes, ce qui entraine un état de stagnation. Nous voilà empêtrés dans les marais, condamnés par la méchante sorcière nommée Auto-apitoiement, et cela fait un bien piétre récit. Il nous faudra un monstre bien verdâtre, bien griffu pour nous donner le courage d'en sortir. Les daimons ne sont jamais à court d'idées et oui, la fin pour eux justifie les moyens. Tant que le Soleil et la Lune suivront leur cours, il y aura toujours quelque chose à conter. Les daimons content et de tout leur coeur puissant et confiant, infusent dans nos vies magie et enchantements... Les entendez-vous conter?
Posted at 01:37 in Pensées | Permalink | Comments (0)
En lisant le conte d'une amie aujourd'hui, plein d'images me sont venues. Je crois que mon thème préféré est celui de la forêt enchantée, tous les sentiers y mènent toujours et toujours. S'il y a bien un film qui m'a marqué et a influencé mon imaginaire, c'est "La Compagnie des Loups " de Neil Jordan. Adapté d'une histoire d'Angela Carter mariant les thèmes du petit chaperon rouge et le mythe des loup-garous, le film est truffé de symbolisme. À la lumière psychanalytique, ces thèmes evoqueraient l'eveil de la sexualité chez la jeune fille et son attrait pour la "Bête" à la beauté sauvage. Dans ce film, ce sont plutôt les villageois bien pensants et etroits d'esprits qui changent la Bête en monstre, et il est bien difficile pour la jeune fille sauvage de se fier à ses propres instincts et de ne pas ecouter les préjugés de son entourage. Exactement comme dans le conte de la Belle et la Bête...
Posted at 15:59 in Pensées | Permalink | Comments (0)
Online petition - Reduce World Population
Online petition - Reduction de la population Mondiale
Apparement, vu que je suis la seule à avoir signé, je dois être en désaccord avec le monde entier :-). Quand les choses tourneront au vinaigre, je veux dire lorsqu'on se retrouvera vraiment au pied du mur (et lorsqu'il sera probablement trop tard), on reconsiderera sous un autre angle ce grand tabou qu'est devenu la surpopulation. Certains se mettent à apprecier l'emergence des guerres, des virus et s'etonnent des actions humanitaires, si c'est pas pervers! Alors qu'il serait plus simple de prendre le probleme à la base: le contrôle des naissances. Même les animaux le pratiquent. Ils concoivent en ayant "the big picture", les surpopulations animales (naturelles, j'entends) sont plutôt rares. Nous sommes les seuls animaux qui nous comportons comme un virus.
Mais je laisse parler Mister Ken Smail sur ce sujet (Ken Smail est professeur au département d’anthropologie du Kenyon College, et l’auteur de plusieurs articles et essais sur la population parus dans Population and Environment, Politics and the Life Sciences, et d’autres journaux).
La tension grandissante entre deux tendances apparemment irréconciliables est devenue de plus en plus visible ces 50 dernières années. D’un côté, les projections démographiques modérées à conservatrices indiquent que le nombre d’habitants sur la planète atteindra, presque avec certitude, 9 milliards, peut-être plus, d’ici le milieu du 21ème siècle. De l’autre, des estimations scientifiques prudentes et de plus en plus fiables laissent entendre que la capacité de charge de la terre à long terme, à un niveau de vie qui pourrait être défini comme allant de "adéquat" à "modérément confortable", selon les standards des pays développés, pourrait ne pas dépasser deux ou trois milliards. Cela pourrait être considérablement moins, particulièrement si le style de vie de référence (niveau de consommation) auquel les gens aspirent se rapproche de celui des Etats-Unis.
En réaction à ce "dilemme malthusien" des temps modernes, il est grand temps de penser sérieusement au futur à moyen terme et d’envisager des alternatives qui vont plus loin que le simple ralentissement ou l’arrêt de la croissance démographique mondiale. L’espèce humaine doit développer, et rapidement mettre en application, des programmes bien conçus, clairement articulés, flexibles, équitables et coordonnés au niveau international, pour réduire la population humaine de façon significative sur les deux prochains siècles ou plus. Cet effort demandera probablement une réduction de la population mondiale d’au moins deux tiers à trois quarts, des 9 à 10 milliards d’individus prévus pour la seconde moitié du 21ème siècle à une "population optimale" future (à partir du 23ème siècle) ne dépassant pas les 2 à 3 milliards.
Visiblement, un changement démographique de cette amplitude nécessitera une réorientation majeure de la pensée, des valeurs, des attentes et des modes de vie de l’humanité. Il n’y a pas de garanties quant au succès d’un tel programme. Mais si l’humanité échoue dans sa tentative, la nature imposera certainement une réalité encore plus dure. En tant qu’anthropologue physique et biologiste spécialisé dans l’évolution humaine, je crains que cette crise démographique et environnementale métastasant rapidement (bien qu’elle soit partiellement cachée) ne se révèle être la plus grande impasse évolutionnaire/écologique jamais rencontrée par notre espèce.
Bien que la nécessité de réduire la population puisse prêter à controverse, elle peut être testée scientifiquement. Cette hypothèse peut être réfutée si on peut clairement montrer que les estimations actuelles de la population mondiale sur les prochaines centaines d’années n’excèderont pas les projections de plus en plus fiables des capacités terrestres maximales présentes et futures. Elle sera par contre confirmée si la taille de la population mondiale future continue de dépasser cette capacité maximale d’une marge importante. Et même si les estimations de capacité optimale de 2 ou 3 milliards se révèlent inexacte, disons d’un facteur de deux, il faudra quand même, pour arriver à une population maximale de 4 à 6 milliards, une réduction substantielle par rapport à la projection de 9 milliards ou plus pour le milieu du siècle.
Il est surprenant de constater le peu d’intérêt scientifique et public qu’a éveillé la mise en place de paramètres quantifiables, testables et acceptés socio-culturellement, propres à déterminer la capacité limite à long terme de la planète. Malheureusement, à quelques exceptions près, un grand nombre de chercheurs scientifiques, par ailleurs très qualifiés, et d’experts en politiques publiques ont plutôt rechigné à adopter une position claire et franche sur ce sujet profondément important. On peut se demander pourquoi - prudence inhérente, inquiétude à propos de leur réputation professionnelle, effets secondaires des structures de plus en plus spécialisées des institutions tant politiques que scientifiques, ou toutes autres raisons. Etant donné la nature et les ramifications globales du problème, la principale raison est peut-être simplement la "paralysie par l’échelle", ce sentiment débilitant d’impuissance collective et individuelle face à des problèmes dont la taille semble insurmontable.
Les estimations sommaires de la capacité limite faite par le passé varient considérablement, allant de moins d’1 milliard à plus de 20 milliards. Et il est évident qu’il sera difficile d’apporter une réponse efficace à cette crise si les objectifs démographiques pour le futur continuent à être mal compris et mal exprimés. Il est cependant intéressant de noter que plusieurs chercheurs et organisations ont développé des positions plutôt bien pensées sur la population mondiale future optimale, ces estimations s’échelonnent de 1 à 3 milliards.
J’espère que mon hypothèse est fausse et que les diverses théories démographiques plus optimistes avançant que la population mondiale commencera à se stabiliser et à décliner plus vite que prévu vont s’avérer exactes. Mais cet optimisme ne peut se justifier que si des données viennent les corroborer, c’est-à-dire uniquement si les "chiffres irréconciliables" mentionnés précédemment arrivent à tendre de manière plus convaincante vers une certaine congruence.
Il est clair que les affirmations selon lesquelles la Terre pourrait être capable de supporter une population de 10, 15 ou même 20 milliards d’individus pour une durée indéterminée et à un niveau de vie supérieur au niveau actuel sont non seulement terriblement trompeuses mais aussi presque certainement fausses. En dépit de notre dépendance actuelle à une croissance économique continue et ininterrompue, l’humanité doit reconnaître que la capacité maximale de la Terre à des limites physiques, biologiques et écologiques finies. Et si l’on en juge par les inquiétudes grandissantes sur le maintient de la qualité, de la stabilité et/ou de la durabilité de l’atmosphère, de l’eau, des forêts, des terres agricoles, des zones de pêche et de bien d’autres choses encore sur la planète, il y a peu de doutes quant au fait que beaucoup de ces limites seront bientôt atteintes, si elles n’ont pas déjà été dépassées. Dans la mesure où les dégâts causés par une reproduction humaine excessive et la surconsommation, dont les effets s’amplifient mutuellement, pourraient provoquer une pénurie irréversible de certaines ressources, et puisqu’il n’y a qu’une planète pour se livrer à cette expérience, il serait préférable pour notre espèce de choisir la prudence, adoptant à chaque fois que cela est possible une attitude réfléchie et responsable.
Il est peut être temps que les preuves sur le sujet, que l’on a longtemps demandées aux soi-disant pessimistes néo-malthusiens, soient fournies par les "optimistes de la corne d’abondance". Laissons-les répondre : quelles preuves avons-nous que la Terre puisse supporter, sans dégâts irréparables, encore deux siècles ou plus de présence humaine, pendant lesquels la population mondiale et la consommation par tête excéderont toujours davantage sa capacité limite optimale (durable) ?
Dans tous les cas, une fois établi un cadre de référence "quantifiable et falsifiable", il est temps d’affirmer que la rhétorique actuelle sur la réduction de la croissance ou même la stabilisation de la population, est clairement insuffisante. Les données empiriques et une logique implacable laissent entendre que notre position par défaut pour les deux ou trois siècles à venir devrait être de chercher une réduction significative du nombre d’êtres humains.
Est-il naïf d’espérer que lorsqu’un nombre important de chercheurs préoccupés commenceront à considérer sérieusement cette réduction, il deviendra plus facile pour les scientifiques, les écologistes, les politiciens, les économistes, les moralistes et les autres citoyens du monde inquiets de parler ouvertement du besoin critique pour l’humanité d’une stabilisation et d’une réduction de la population ? Ils devraient au moins ne pas avoir le sentiment de commettre un suicide politique, professionnel ou moral en abordant ces problèmes. Le temps est de plus en plus précieux, et notre marge de manœuvre pour prendre des mesures efficaces pourrait se réduire rapidement - en admettant qu’il ne soit pas trop tard.
Jusqu’à preuve du contraire, j’affirmerai donc qu’une croissance démographique insuffisamment ralentie devrait être considérée comme la caractéristique la plus importante dans un paysage physique, écologique, bio-culturel et socio-politique complexe (et synergique). Réguler la population humaine, et faire face aux nombreux problèmes qui seront engendrés par son inévitable rétrécissement, devrait être une priorité du dilemme moderne, et en tant que telle, elle devrait être traitée beaucoup plus sérieusement et rapidement qu’elle ne l’a été jusqu’à présent.
Il y a plus d’un demi-siècle, à l’aube de l’ère nucléaire, Albert Einstein avait suggéré que nous aurions besoin d’une nouvelle façon de penser pour que l’humanité survive. Même si l’explosion de la population n’est pas aussi brusque et spectaculaire qu’une explosion nucléaire, ses conséquences finales pourraient être tout aussi réelles (et tout aussi dévastatrices) que le scénario d’hiver nucléaire envisagé au début des années 1980.
Une réduction à grande échelle de la population mondiale sur les deux ou trois siècles prochains apparaît inévitable. Le problème majeur semble être de savoir si ce processus s’accomplira sous un contrôle humain conscient et (espérons-le) de manière relativement bénigne, ou si cela s’avérera être imprévisible, chaotique et (peut-être) catastrophique. Nous devons commencer à penser différemment à ce problème mondial d’une importance capitale, pour que les inquiétudes prescientes et légitimes d’Einstein sur la survie de l’espèce humaine et de la civilisation au 21ème siècle, et d’après, soient abordées aussi rapidement, pleinement et humainement que possible.
« Ne me parlez pas de pénurie. Mon monde est vaste et a plus qu’assez - pour un nombre limité. Il n’y a pénurie de rien, à part de volonté et sagesse ; mais il y a un surplus de gens. » Garrett Hardin (1975)
Posted at 12:49 in Pensées | Permalink | Comments (0)
1- Je me promenais la nuit autour d'un lac. Malgré la nuit, l'herbe etait verte comme phosphorescente. Je rencontrai une jeune fille et la suivis jusque dans une grande maison qui etait peut-être un grand hôtel. Elle m'expliqua que les gens l'evitaient, ils avaient peur d'elle parce qu'elle avait un don très spécial, elle pouvait voir à travers le voile de l'Autre Monde. Elle me demanda si je voulais qu'elle me fasse une démonstration. Et avec beaucoup d'apprehension, j'acceptai. Il y avait une grande porte et sous mes yeux la porte s'ouvrit lentement faisant durer le suspense. Et dans l'encadrement de cette porte se tenaient tous ces êtres semi-transparents et tous agitaient la main pour me saluer comme au ralenti avec un grand sourire sur leurs visages.
2-J'ai rêvé cette nuit que j'etais sous la douche avec une géante. Elle etait de type nordique, très belle et imposante. On se douchait ensemble donc et je la regardais du coin de l'oeil car j'etais très admirative de sa beauté. Après avoir fermé le robinet, et alors qu'on s'apprêtait à sortir, elle me dit "attends, je ne t'ai pas encore vue, laisse-moi te regarder. Je suis tellement imposante et toi, tu es tellement petite qu'il faut que tu grimpes sur ce rebord pour que je puisse te voir tout entière". Un peu intimidée, je monte sur le rebord et elle me dit "comme tu es belle!". Et là, je deviens très fière de ma nudité :-).
3-J'avais une souris mâle et elle etait dans sa cage mais je la laissais vaguer dans la pièce aussi souvent que ca lui plaisait, sa porte etait toujours ouverte. La souris me parlait et je lui répondais, nous etions en fait comme les meilleurs amis du monde et elle etait pour moi une sorte de gardien. Ensuite, j'etais dans une ville fantastique, une ville de contes de fées et il y avait une armée de "daimons" qui entrait dans la ville. Il fallait les arrêter parce qu'ils etaient trop turbulents, et ils avaient déclaré la guerre, ils etaient très hostiles. Sur le pont leur faisait face ma souris, marchant à leur rencontre, téméraire et le sourire aux lèvres. Ma souris s'etait transformé en un beau prince hindou. Et je criai "stop! tu vas te faire massacrer!" et l'armée me regarda et me dit "il ne comprend pas ce langage, trouve autre chose pour l'arrêter". Alors je lui criai "I love you! I love you!" et ma voix semblait porter jusqu'aux confins de l'univers. Le prince s'arrêta et me regarda, souriant. L'armée aussi souriait, parce que j'avais trouvé les mots justes... :-)
4-Je rêvais que j'etais dans une salle d'ecole primaire. Il y avait des tas d'êtres etranges dans la classe. Je regardais par la fenêtre et vit le grand marronnier dans la cour. Le professeur m'appela sur l'estrade. Je montai et il me posa tout un tas de questions. Alors je répondis, et je cherchais à decrire quelque chose. À court de mots, je m'exclamais "ce serait comme un tigre dans une cage!", et là, tout le monde eclate de rire, un fou rire inouï! Auquel je m'abandonne moi aussi sans savoir pourquoi. Et me reveille en riant. (pour l'anecdote, mon compagnon, la même nuit a rêvé d'un tigre dans une cage)
5- Je rêve que je suis dans une forêt. Le long d'une allée, il y a une etrange procession. Je me joins à elle. Et je deviens des leurs. Les daimons. Ils sont comme translucides et nous rions, et chantons, tout en nous acheminant. Ils decident de me lancer en l'air. Ils sont au dessous de moi, et chaque fois que je retombe, ils me relancent avec jubilation. À bout de souffle, je léve le doigt pour dire "arrêtez! arrêtez un instant! j'ai une declaration tres importante à faire!" alors tous me regardent avec anticipation, un sourire en coin, et j'ouvre la bouche pour faire un discours et seul un ronflement en sort, et nous eclatons tous de rire (les ronflonflons des grands discours!)
6- J'ai des intrus chez moi. Ils vont et viennent, et soudain je me lève et je les apostrophe du haut de l'escalier en gueulant "Que vous fassiez à votre guise, ok! Mais vous pourriez au moins avoir la courtoisie de vous presenter!". Je suis furieuse, et eux en bas me regardent avec des grands yeux. Ils me félicitent pour ma gueulante, comme si j'avais joué un rôle à la perfection. Et je comprends.Posted at 01:01 in Pensées | Permalink | Comments (0)
Merci à Lune (http://lune.le-sidh.org/ )pour cet excellent film d'animation mais assez long à charger, peut-être 5mn, alors appuyez sur play et puis pause ensuite, ca continuera à telecharger (quand même mieux de le voir sans coupure).
Big Buck Bunny from Blender Foundation on Vimeo.
Pour le voir en plus grand, c'est à cette adresse: http://www.vimeo.com/1084537
Posted at 11:45 in Pensées | Permalink | Comments (0)
Ce matin, j'ai eu la soudaine impulsion de revoir une sequence dans un film que j'ai vu il y a fort fort longtemps. Je crois que j'avais 16 ans, mais c'est un film qui est sorti dans les années 70, et qui est très marqué par l'esprit de l'epoque. En général, j'ai horreur des années 70. Mais j'aimais particulierement cette sequence dans "Phantom of the Paradise" pour le personnage macabre. J'avais une fascination pour ce visage en croissant de lune, tout en angles obliques et encore aujourd'hui, je dois dire qu'il me fait toujours le même effet: je l'adore! Mais c'est peut-être en continuité avec le personnage de Pierrot que j'aimais beaucoup etant enfant. Aujourd'hui, je reconnais en lui la figure du Trickster.
Et la video d'où j'ai tiré ces clichés:
Posted at 17:44 in Pensées | Permalink | Comments (6)
J'ai fini le livre sur la descente vers la Déesse (Ereshkigal) de Sylvia Brinton Perera, tres intéressant même si je ne suis pas d'accord avec toutes ses interpretations, il y a neanmoins de tres bonnes "pistes". La descente doit se faire selon Perera pour retrouver le féminin réprimé par la patriarchie. C'est un peu limitatif mais dans un sens plus global, si la libido (ou force de vie... ou plaisir!)se retire de la surface, c'est parce que celle-ci est au service de choses qui ne sont plus valables, qui contraignent cette "eau de vie" à prendre des chemins non-naturels où celle-ci se tarit. C'est dans le chaos originel que le "sens" se regénère. Les plaintes d'Ereshkigal doivent être entendues, c'est le sens de la dépression car ses plaintes sont etouffées par le "surmoi" qui se coupe du naturel et de la spontanéité en erigeant des dogmes. Le vieux roi dogmatique doit mourir car celui-ci ne peut plus canaliser l'energie vive, vierge et sauvage garante de la fertilité. C'est une remise en question de tout ce que l'on considére comme acquis, comme allant de soi, une remise du compteur à zero. Dans un sens, Ereshkigal est Inanna encore non manifestée, elle represente un réservoir de possibilités qu'Inanna choisit ou non d'incarner. La responsabilité est lourde pour Inanna, elle peut se tromper, auquel cas, Ereshkigal l'attend toujours au tournant. Autant ce non manifesté que représente Ereshkigal peut ouvrir la porte à bien des choses servant des intérêts communs, autant il peut aussi receler d'autres choses moins acceptables pour notre société. Ce qui fait d'Ereshkigal une figure d'ombre, l'ombre d'Inanna, pour le meilleur et pour le pire. Ombre noire, ombre blanche. Et c'est justement la fonction du roi de rétablir l'equilibre entre les deux, sachant que l'ombre noire peut nous faire prendre conscience de nos manquements et l'ombre blanche de notre valeur et nos qualités.
Pour rappel, je mets ici le mythe d'Inanna pour ceux qui ne le connaitraient pas encore, sous la forme du poeme en son entier:
La descente d'Ishtar-Inanna
La dame a abandonné le ciel et la terre pour descendre aux enfers.
Ishtar-Inanna a abandonné le ciel et la terre pour descendre aux enfers.
Dans Uruk elle a abandonné son temple pour descendre aux enfers.
Dans Bad-tibira elle a abandonné son temple pour descendre aux enfers.
Dans Zabalam elle a abandonné son temple pour descendre aux enfers.
Dans Adab elle a abandonné son temple pour descendre aux enfers.
Dans Nippur elle a abandonné son temple pour descendre aux enfers.
Dans Kish elle a abandonné son temple pour descendre aux enfers.
Dans Akkad elle a abandonné son temple pour descendre aux enfers.
Elle a recueilli l'ensemble des sept "ME" .
Elle les a pris avec elle dans ses mains.
Avec les "ME" en sa possession, elle s'est préparée:
Elle a placé le shugurra, la couronne de la steppe, sur sa tête.
Elle a arrangé les ornements de cheveux à travers son front.
Elle a attaché les petites perles de lapis autour de son cou.
Elle laisse son double rang de perles tomber sur ses seins,
Et enfile la robe longue royale autour de son corps.
Elle farde ses yeux avec l'onguent appelé "Viens homme, viens !"
Elle a glissé l'anneau d'or à son poignet,
Et a mis les bracelets de lapis à ses bras.
Inanna est prète pour aller aux enfers.
Ninshubur, sa domestique fidèle, est sortie avec elle.
Inanna lui dit :
"Ninshubur, mon appui constant,
Ma domestique sukkal qui me donne des sages conseils,
Mon guerrier qui combat à mon côté,
Je descend au kur, les enfers .
Si je ne reviens pas,
Prononcez une lamentation pour moi dans les ruines.
Battez le tambour pour moi dans les places d'assemblée.
Tournez autour des maisons des dieux.
Déchirez vos yeux, votre bouche, vos cuisses.
Habillez-vous dans un vêtement simple comme une mendiante.
Allez à Nippur, au temple d'Enlil .
Quand vous entrerez dans son lieu saint, dites ceci en pleurant :
"Oh, père Enlil, n'abandonnez pas votre fille
Elle est mise à mort dans les enfers.
N'abandonnez pas votre argent lumineux
Elle est couverte de poussière dans les enfers.
N'abandonnez pas vos lapis précieux
Elle est comme une pierre cassée.
N'abandonnez pas votre buis parfumé
Elle est comme du bois coupé.
N'abandonnez pas les priestess saints du ciel
Elle est mise à mort dans les enfers."
Si Enlil ne vous aide pas,
Allez à Ur, au temple de Nanna .
Pleurez devant le père Nanna.
Si Nanna ne vous aide pas,
Allez à Eridu, au temple d'Enki .
Pleurez devant le père Enki.
Enki , dieu de la sagesse, connait la nourriture de vie,
Il connaît l'eau de la vie;
Il sait le secret de la vie.
Sûrement qu'il ne me laissera pas mourir."
À la terre sans retour, le royaume d'Ereshkigal,
Ishtar Inanna, la fille de la lune, a placé son esprit.
À la demeure sombre, la demeure d'Irkalla / Erkalla,
À la route de laquelle il n'y a aucun retour possible,
À la demeure où les habitants sont privés de la lumière,
Là où la poussière est leur gain et l'argile leur nourriture,
Là où ils ne voient aucune lumière, résidant dans l'obscurité,
Là où ils sont vêtus comme des oiseaux,
avec des ailes pour vêtements,
la ou la poussière s'ccumule sur la porte.
Ishtar a atteint la porte de la terre sans retour
Alors elle s'est arrêtée et a dit:
"Disparais maintenant Ninshubur.
N'oublie pas les mots que je t'ai commandé."
Quand Inanna est arrivée aux portes externes des enfers,
Elle a frappé fort.
Elle a gémi dehors avec une voix féroce :
"Ouvrez la porte, portier !
Ouvrez la porte, Neti !
(ou Ninghizhidda), le serpent cornu)
Moi seul entrerais !"
Neti, le portier en chef du kur, a demandé :
"Qui êtes-vous ?"
Elle a répondu :
"je suis Inanna, reine de ciel,
Sur le chemin de l'est."
Neti dit :
"Si vous êtes vraiment Inanna, reine de ciel,
Sur son chemin de l'est,
Pourquoi votre coeur vous a-t'il mené sur la route
D'ou aucun voyageur ne revient ?"
Inanna répond :
"J'ai appris que Gugalanna, le taureau du ciel,
Mari de ma soeur ainée Erishkigal, est mort..
Je suis venue pour être témoin des rites funèbres.
Laissez la bière de ces rites funèbres être versée dans la tasse."
Ouvrez la porte que je puisse entrer !
Si vous n'ouvrez pas la porte pour que je puisse entrer,
Je casserai la porte, je briserai la poignée,
Je ferai sortir les morts pour qu'ils mangent la vie,
De sorte que les morts dépasseront la vie en nombre.
Laissez ceci être fait."
Neti a ouvert sa bouche pour parler :
"Arrêtez, ma dame !
J'irai annoncer votre nom à la Reine Ereshkigal.
Restez ici Inanna, je parlerai à ma reine.
Je répèterai votre message."
Neti, le portier en chef du kur,
Est entré dans le palais d'Erishkigal, la reine des enfers, et a dit :
"Ma reine, une femme
Aussi grande que le ciel,
Aussi vaste que la terre,
Aussi forte que les bases du mur de la ville,
Attend au dehors des portes de palais.
Elle a recueilli ensemble les sept "ME".
Elle les a pris avec elle dans ses mains.
Avec eux en sa possession, elle s'est préparée:
Sur sa tête elle porte le shurgarra, la couronne de la steppe.
Au travers son front ses ornements de cheveux
sont arangés soigneusement.
Autour de son cou elle porte les petites perles de lapis.
Sur ses seins elle porte le double rang de perles.
Son corps est enveloppé de la robe longue.
Ses yeux ornés avec l'onguent "Viens homme, viens"
A son poignet elle porte l'anneau d'or.
A son bras elle porte les bracelets de lapis-lazulis."
Quand Erishkigal a entendu ceci,
Son visage est devenu pâle,
Elle a frappé sa cuisse et a mordu ses lèvres,
celles-ci devenant sombres comme un roseau kuninu meurtri.
Elle s'est alourdie dans son coeur.
Alors elle a parlé :
Qu'est-ce qui a conduit son coeur vers moi ?
Qu'est-ce qui peut l'intéresser ici ?
Je ne bois que de l'eau avec les Anunnakis.
Je mange de l'argile comme nourriture,
je bois l'eau boueuse pour la bière.
Ici on pleure pour les jeunes hommes
forcés d'abandonner leurs amoureuses.
Ici on pleure pour les filles
forcées d'abandonner leurs amoureux.
Ici on pleure pour les enfant morts-nés.
Venez, portier, ouvrez votre porte pour elle.
Traitez-la selon les rites antiques."
Venez, Neti, mon portier en chef du kur,
Observez mes mots :
Vérouillez les sept portes des enfers.
Puis, entrouvrez chaque porte légèrement
Laissez Inanna entrer.
Quand elle passera, enlevez ses vêtements royaux.
Laissez la déesse du ciel arriver ici démunie."
Neti a observé les mots de sa reine.
Il a vérouillé les sept portes des enfers.
Alors il a ouvert la porte externe.
Il a dit à la femme:
"Viens, Inanna, entre."
Et l'obscurité est tombée sur Ishtar Inanna.
Les eaux sombres se sont levées
et ont porté la déesse de la lumière
Au royaume de la nuit.
Quand elle a passé la première porte,
De sa tête, le shugurra , la couronne de la steppe, a été enlevée.
Inanna a demandé :
"Pourquoi ?"
Neti a répondu :
"Silence, Inanna, les lois des Enfers sont ainsi.
On ne les critique pas !"
Quand elle a passé la deuxième porte,
De son cou, son collier en lapis-lazuli lui fut enlevé.
Inanna a demandé :
"Pourquoi ?"
Neti a répondu :
"Silence, Inanna, les lois des Enfers sont ainsi.
On ne les critique pas !"
Quand elle a passé la troisième porte,
De ses seins, les pierres-nunuz jumelées furent enlevées
Inanna a demandé :
"Pourquoi ?"
Neti a répondu :
"Silence, Inanna, les lois des Enfers sont ainsi.
On ne les critique pas !"
Quand elle a passé la quatrième porte,
Son soutien-gorge "Viens à moi, homme !" fut enlevé.
Inanna a demandé :
"Pourquoi ?"
Neti a répondu :
"Silence, Inanna, les lois des Enfers sont ainsi.
On ne les critique pas !"
Quand elle a passé la cinquième porte,
L’anneau d’or fut enlevé de sa main.
Inanna a demandé :
"Pourquoi ?"
Neti a répondu :
"Silence, Inanna, les lois des Enfers sont ainsi.
On ne les critique pas !"
Quand elle a passé la sixième porte,
Les lapis furent enlevés de ses poignets.
Inanna a demandé :
"Pourquoi ?"
Neti a répondu :
"Silence, Inanna, les lois des Enfers sont ainsi.
On ne les critique pas !"
Quand elle a passé la septième porte,
Le vêtement-pala de seigneurie fut enlevé de son corps.
Inanna a demandé :
"Pourquoi ?"
Neti a répondu :
"Silence, Inanna, les lois des Enfers sont ainsi.
On ne les critique pas !"
Aux profondeurs de Cutha elle est descendue.
Après avoir perdu ses sept Talismans des mondes supérieurs,
Après avoir perdu ses sept puissances de la terre de la vie,
Sans nourriture de vie et sans l'eau de la vie,
Elle est apparue avant Ereshkigal, maîtresse de la mort.
Courbée très bas, nue,
dépouillée de ses pouvoirs divins, impuissante, matée,
Ishtar-Inanna est entrée dans la salle de trône.
Ereshkigal s'est levée de son trône.
Ishtar-Inanna s'est avancée vers le trône.
Ereshkigal a ouvert sa bouche pour parler :
"Disparaissez, Namtar, et fermez à clef la porte de mon palais !
Allez! Emprisonnez-la ! Liez-la dans l'obscurité !
Libérez contre elle les sept Annunakis !
Libérez contre elle les soixante démons-maladies :
Maladies des yeux contre ses yeux,
Maladies des côtes contre ses côtes,
Maladies des bras contre ses bras,
Maladies des pieds contre ses pieds,
Maladies du coeur contre son coeur,
Maladies de la tête contre sa tête,
Contre son corps entier, tous les démons du Kur !"
Et les démons l'ont déchirée de chaque côté.
Et les Annunas / Annunnakis, les juges terribles,
Les sept seigneurs des enfers, l'ont entourée.
Et ils ont émis un jugement contre elle.
Alors Ereshkigal a jeté sur Inanna le regard de la mort.
Elle a porté contre elle le mot de la colère.
Elle a poussé contre elle le cri de la culpabilité.
Elle l'a frappée.
Inanna a été transformé en cadavre,
Un morceau de viande de décomposition,
Et a été pendue à un crochet au mur.
Ereshkigal s'est réjouie.
Le MASKIM / l'ange exterminateur Mashkith
a prononcé l'éloge de la reine de la mort .
Le Gigim a prononcé l'éloge d'Ereshkigal, reine de la mort.
Après qu'Ishtar Inanna soit disparue dans les Enfers du Kur-nugi,
Le taureau ne monta plus sur la vache,
L'âne ne monta plus pas la bourrique,
Le jeune homme n'a plus abordé la fille dans la rue,
L'homme dormi seul dans sa propre chambre.
La fille dormi en compagnie de ses seuls amis.
Papsukkal, le vizie des grands dieux,
Est tombé, son visage s'est obscurci
Il était prostré dans le deuil, les longs cheveux défaits.
Papsukkal est allé devant Enki / Ea, son roi:
"Ishtar Inanna est descendus au Kunurgi, et n'est pas remontée.
Puisqu'Ishtar Inanna est descendue à la terre sans retour,
Le taureau ne monte plus la vache,
l'âne ne monte plus la bourrique,
L'homme reste seul dans sa propre chambre.
Et il se couche de le côté."
Quand, après trois jours et trois nuits, Inanna n'était pas revenue,
Ninshubur a poussé une lamentation dans les ruines.
Elle a battu le tambour pour elle dans les places d'assemblées.
Elle a tourné autour des maisons des dieux.
Elle a déchiré ses yeux; elle a déchiré sa bouche; elle a déchiré ses cuisses.
Elle s'est habillée dans un vêtement simple comme une mendiante.
Alors elle est allée à Nippur dans le temple d'Enlil .
Quand elle est entrée dans le lieu saint,
Elle a pleuré dehors :
"Oh, père Enlil, n'abandonnez pas votre fille
Elle est mise à mort dans les enfers.
N'abandonnez pas votre argent lumineux
Elle est couverte de poussière dans les enfers.
N'abandonnez pas vos lapis précieux
Elle est comme une pierre cassée.
N'abandonnez pas votre buis parfumé
Elle est comme du bois coupé.
N'abandonnez pas les priestess saints du ciel
Elle est mise à mort dans les enfers."
Enlil a répondu à la fille en haillon :
"Ma fille a déja imploré ce qui précède.
Inanna a imploré la grande du monde d'en bas.
Celle qui part aux enfers n'en revient pas.
Celle qui va à la ville sombre reste là."
Le père Enlil ne l'aidant pas.
Ninshubur est allée à Ur au temple de Nanna.
Quand elle est entrée dans le lieu saint,
Elle a pleuré dehors :
"Oh père Nanna, n'abandonnez pas votre fille
Elle est mise à mort dans les enfers.
N'abandonnez pas votre argent lumineux
Elle est couverte de poussière dans les enfers.
N'abandonnez pas vos lapis précieux
Elle est comme une pierre cassée.
N'abandonnez pas votre buis parfumé
Elle est comme du bois coupé.
N'abandonnez pas les priestess saints du ciel
Elle est mise à mort dans les enfers."
Nanna a répondu en colère :
"Ma fille a déja imploré ce qui précède.
Inanna a imploré la grande du monde d'en bas.
Celle qui part aux enfers n'en revient pas.
Celle qui va à la ville sombre reste là."
Le père Nanna ne l'aidant pas,
Ninshubur est allée à Eridu, au temple d'Enki .
Quand elle est entrée dans le lieu saint,
Elle a pleuré dehors,:
"Oh père Enki, n'abandonnez pas votre fille
Elle est mise à mort dans les enfers.
N'abandonnez pas votre argent lumineux
Elle est couverte de poussière dans les enfers.
N'abandonnez pas vos lapis précieux
Elle est comme une pierre cassée.
N'abandonnez pas votre buis parfumé
Elle est comme du bois coupé.
N'abandonnez pas les priestess saints du ciel
Elle est mise à mort dans les enfers."
Enki lui dit :
"Que s'est-il passé ?
Qu'est-ce que ma fille a fait?
Inanna, reine de toutes les terres ! Sainte prétresse du ciel !
Que s'est passé ?
Je suis préoccupé, je suis affligé."
Alors, Enki prit la saleté du dessous de ses ongles,
Avec elle il modela Kurgarra (ou Kurgarru),
un être ni mâle ni femelle, un esprit de la terre.
Alors, Enki prit la saleté du dessous des ongles de l'autre main,
Avec elle il modela Galatur (ou Kalatur / kalaturru),
un être ni mâle ni femelle, un esprit de la mer.
(ou alors il a créé le seul Asushunamir)
Il a donné la nourriture de vie à kurgarra.
Il a donné l'eau de la vie à Galatur,
et leurs a dit :
"Allez aux enfers,
Entrez par les portes comme des mouches,
Vous entendrez Erishkigal , la reine des enfers, gémir
Avec les cris d'une femme qui accouche
Aucun vêtement ne recouvre son corps.
Ses seins sont découverts.
Ses cheveux sont emmélés sur sa tête comme des poireaux.
Vous écouterez attentivement la reine Ereshkigal,
avec compassion, vous l'écouterez,
car personne encore n'a pu l'accueillir dans sa souffrance
et vous répéterez pour elle ce qu'elle vous dit.
Si elle vous dit: 'Aie ! Mes entrailles',
d'abord écoutez-là avec compassion,
puis dites-lui 'Aïe ! Tes entrailles'.
Si elle vous dit: 'Aie ! Mon corps',
d'abord écoutez-là avec compassion,
puis dites-lui 'Aïe ! Ton corps'.
La reine sera heureuse.
Elle aura la volonté de vous faire un cadeau.
Demandez-lui seulement le cadavre qui pend au crochet sur le mur.
Un de vous l'arrosera avec la nourriture la vie,
L'autre l'arrosera avec l'eau de la vie.
Et Inanna reviendra à la vie"
Kurgarra et Galatur ont suivi les instructions d'Enki.
Ils sont allés aux enfers.
Comme des mouches, ils se sont glissés par les fissures des portes.
Ils sont entrés dans la salle de trône de la reine des enfers.
Aucun vêtement ne recouvrait son corps.
Ses seins étaient découverts.
Ses cheveux étaient emmélés sur sa tête comme des poireaux.
Erishkigal gémissait : "Aie ! Mon ventre",
Alors ils ont gémi : "Aïe ! Ton ventre".
Erishkigal gémissait : "Aie ! Mon corps'",
Alors ils ont gémi : "Aïe ! Ton corps".
Erishkigal gémissait : "Aie ! Mon dos",
Alors ils ont gémi : "Aïe ! Ton dos".
Erishkigal gémissait : "Aie ! Mon coeur",
Alors ils ont gémi : "Aïe ! Ton coeur".
Erishkigal gémissait : "Aie ! Mon foie",
Alors ils ont gémi : "Aïe ! Ton foie".
Erishkigal s'est arrêté.
Elle les a regardé.
Elle a demandé :
"Qui êtes-vous ?,
Pourquoi gémissez-vous avec moi ?"
Si vous êtes des dieux, je vous bénirai.
Si vous êtes des mortels, je vous donnerai un cadeau.
Je vous donnerai l'eau, un fleuve dans sa plénitude."
Kurgarra et Galatur répondirent :
"Nous ne souhaitons pas cela."
Erishkigal dit :
"Je vous donnerai un cadeau de grains, des champs et des moissons."
Kurgarra et Galatur répondirent :
"Nous ne souhaitons pas cela."
Erishkigal dit :
"Parlez alors! Qui souhaitez-vous ?"
Ils ont répondu :
"Nous souhaitons seulement le cadavre qui pend au crochet du mur".
Erishkigal dit :
"Le cadavre appartient à Inanna."
Ils ont dit :
"S'il appartient à notre reine,
S'il appartient à notre roi,
C'est ce que nous souhaitons."
Le cadavre leur a été donné.
Kurgarra a versé la nourriture de vie sur le cadavre.
Galatur a versé l'eau de la vie sur le cadavre.
Inanna s'est alors levée.
Inanna était sur le point de sortir des enfers
Quand les Annunas, les juges des enfers, ont dit :
"Personne ne sort des enfers ainsi.
Si Inanna souhaite sortir des enfers,
Elle doit fournir quelqu'un pour la remplacer."
Quand elle a repassé la 1ère porte,
On lui a rendu sa robe pour son corps.
Quand elle a repassé la 2ème porte,
On lui a rendu ses ornements de mains et de pieds.
Quand elle a repassé la 3ème porte,
On lui a rendu la ceinture pour ses hanches.
Quand elle a repassé la 4ème porte,
On lui a rendu les ornements pour ses seins.
Quand elle a repassé la 5ème porte,
On lui a rendu les chaînes pour son cou.
Quand elle a repassé la 6ème porte,
On lui a rendu les pendants pour ses oreilles.
Quand elle a repassé la 7ème porte,
On lui a rendu la grande couronne pour sa tête.
"Si elle ne donne pas le prix de sa ranson, rapportez-la !"
Alors Inanna est remontée des enfers,
Avec les gallas / Gallus, les démons des enfers, accrochés à son côté.
Les gallas étaient des démons
qui ne prennent aucune nourriture,
qui ne prennent aucune boisson,
Qui ne mangent aucun sacrifice, qui ne boivent aucune libation,
Qui n'acceptent aucun cadeau.
Ils n'apprécient aucun amour.
Ils n'ont aucun enfant à embrasser.
Ils déchirent l'épouse dans les bras du mari,
Ils déchirent l'enfant sur les genoux du père,
Ils volent la jeune mariée dans sa maison de mariage.
Les démons se sont accrochés à Inanna.
Le petit galla qui accompagnaient Inanna
Étaient comme un roseau de la taille d'un piquet de clôture.
Le grand galla qui accompagnait Inanna
Étaient comme un roseau de la taille d'un grand piquet de clôture.
Celui qui marchait devant Inanna n'était pas un ministre,
Pourtant il portait un sceptre .
Celui qui marchait derrière elle n'était pas un guerrier,
Pourtant il portait une masse d'arme.
Ninshubur, habillée d'une toile à sac sale,
Attendait en dehors des portes de palais.
Quand elle a vu Inanna
Entourée par les gallas
Elle s'est jetée dans la poussière aux pieds d'Inanna.
Le galla dit:
"Inanna, nous prendrons Ninshubur à votre place."
Inanna a pleuré :
"Non ! Ninshubur est mon appui constant.
Elle est mon sukkal qui me donne des sages conseils.
Elle est ma guerrière qui combat à mon côté.
Elle n'a pas oublié mes mots.
Elle a prononcé une lamentation pour moi près des ruines.
Elle a battu le tambour pour moi dans les places d'assemblées.
Elle a tourné autour des maisons des dieux .
Elle a déchiré ses yeux, sa bouche et ses cuisses.
Elle s'est habillée d'un vêtement simple de mendiante.
Elle est allée à Nippur dans le temple d'Enlil.
Elle est allée à Ur dans le temple de Nanna.
Elle est allée à Eridu dans le temple d'Enki.
Grace à elle, ma vie a été sauvée.
Je ne vous donnerai jamais Ninshubur."
Le galla dit :
"Inanna, nous vous accompagnerons à Umma."
Dans Umma, au lieu saint,
Shara le fils d'Inanna, était habillé d'une toile à sac sale.
Quand il a vu Inanna
Entouré par les gallas,
Il s'est jeté dans la poussière à ses pieds.
Le galla dit :
"Allez dans votre ville, Innana,
Nous prendrons Shara pour vous remplacer."
Inanna a pleuré :
"Non ! Pas Shara !
Il est mon fils qui me chante des hymnes.
Il est mon fils qui coupe mes ongles et lisse mes cheveux.
Je ne vous donnerai jamais Shara."
Le galla dit :
"Inanna, nous vous accompagnerons à Bad-tibira."
Dans Badtibira, au lieu saint,
Lulal, le fils d'Inanna, était habillé d'une toile à sac sale.
Quand il a vu Inanna
Entourée par les gallas,
Il s'est jeté dans la poussière à ses pieds.
Le galla dit :
"Inanna, nous prendrons Lulal pour vous remplacer."
Inanna a pleuré :
"Non, pas Lulal. il est mon fils.
Il est un chef parmi les hommes.
Il est mon bras droit. Il est mon bras gauche.
Je ne vous donnerai jamais Lulal."
Le galla dit :
"Allez, Inanna,
Nous irons avec vous au grand pommier dans Uruk "
Dans Uruk-Kul'aba, sous le grand pommier,
Tammouz-Dumuzi, le mari d'Inanna, était habillé dans ses beaux vêtements.
Il était assis sur son trône magnifique;
Le galla l'a saisi par les cuisses.
Ils ont versé le lait hors de ses sept barattes.
Ils ont cassé la flûte que le berger jouait .
Inanna a posé sur Dumuzi l'oeil de la mort .
Elle a prononcé contre lui le mot de la colère.
Elle a poussé contre lui le cri de la culpabilité.
"Emmenez-le ! Prenez Dumuzi !"
Les gallas n'ont pas attendu ni hésité,
et ont enlevé Tammouz-Dumuzi de la vue de la déesse.
Immédiatement les démons l'emportèrent aux Enfers.
Je remarque quelques inepties en relisant cette traduction mais je laisse (le soutien-gorge en particulier!). Inanna dans la suite du mythe allège le sort de Dumuzi, qui est son epoux et seigneur de la fertilité mais qui néanmoins n'avait même pas remaqué l'absence d'Inanna (!), en permettant à la soeur de Dumuzi de changer de place avec lui la moitié de l'année (ce qui explique le retour du printemps representé par Dumuzi, mais une chose est sûre, l'hiver est necessaire et le roi doit lui aussi descendre pour être régénéré). Les "Mu" sont les lois relatives à l'ordre, Inanna les vole à Enki juste avant d'entreprendre sa descente. Enki est une figure que j'aime beaucoup, il est un veritable dieu de la sagesse. Il est representé sous une forme hybride, la partie inferieure de son corps etant un poisson et la partie superieure un bouc.
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Voici toutes les traductions que j'ai faites de Réalité Daimonique de Patrick Harpur. Patrick Harpur a beaucoup enquêté sur les apparitions de fées, les crops circles et même les "petits gris" . Pour Harpur, l'inconscient collectif et l'Autre Monde des païens ne forment qu'un. Et plus encore, non seulement cet Autre Monde / Inconscient Collectif est en nous, mais il est aussi physique. À priori, l'aspect physique de ces manifestations n'est pas evident, dû à l' élusivité de ces manifestations, et par consequent rien encore, à ce jour, ne peut reduire le scepticisme. Et pourtant... Harpur etablit que c'est la nature même de ces habitants de l'Autre Monde d'être élusifs, mercuriels, et enigmatiques. Toujours entre deux. Se manifestant juste assez pour brouiller les pistes, nous faire perdre notre sens de l'orientation, laissant une impression très vivide et réelle chez les personnes "visitées" mais sans aucune preuve. Certaines manifestations relevent presque du canular. Alors pourquoi ces apparitions qui viennent nous taquiner et laissent les chercheurs de preuves sur leur faim? Peut-être pour nous faire comprendre que leur existence ne peut être prouvée par nos vulgaires appareils photos, nos cameras, et nos télés. Rien ne peut capturer ces êtres-là, sinon les quelques traces qu'ils laissent ici et là, un crop circle, une ronde de fées, ou même encore un simple arc-en-ciel, car ils sement leurs signes à tout vent pour celui qui sait les voir, non pas à travers un "objectif" car l'objectivité est une illusion, mais à travers l'âme même de l'humain.
Extraits de RÉALITÉ PSYCHIQUE de Patrick Harpur
Plus que quiconque au 20 ieme siecle, Jung avait une vue du monde qui rendait les apparitions intelligibles. Il fit cette découverte empiriquement en examinant les rêves et les fantaisies de ses patients, ce qui le mena à révéler un niveau profond collectif de l’inconscient contenant des images archétypales vivant une vie objective indépendante. Naturellement, il rechercha un pendant historique à cette idée, et il la trouva, dans l’alchimie. Loin d’être seulement une forme primitive de chimie, elle s‘avera être un système de rituel complexe d’auto-initiation - une entière « science de l’âme » en fait. Nous pouvons imaginer son émotion lorsque, par exemple, il lut dans un texte alchimique que « l’âme est seulement partiellement confinée dans le corps, juste comme Dieu est seulement en partie enfermé dans le corps du monde ». Cela confirma sa propre conclusion que « la psyché est seulement en partie identique à notre être conscient empirique ; pour le reste, elle est projetée et à cet état, elle imagine ou représente ces choses que le corps ne peut saisir …». Ici, la nature objective de la psyché est fermement établie. Mais Jung s’attache à l’ intériorité fondamentale de la psyché, dont les manifestations extérieures ne sont seulement que des projections. Au moment de son magnum opus – Mysterium Conjonctionis- même cette conviction était ébranlée. « Cela pourrait bien être un préjudice » Jung médite « que de restreindre la psyché à l’intérieur du corps ». Dans la mesure où la psyché a un aspect non-spatial, il pourrait bien y avoir une psyché « en dehors du corps », une région si totalement différente de « ma » sphère psychique que l’on doit sortir de soi-même… pour s’y rendre. Jung a imaginé cette région comme étant un « pays étranger en dehors de l’ego » tel que celui auquel les hommes tribaux croyaient – un monde total, invisible mais présent dans celui-ci, qui était habité par à la fois les esprits des ancêtres et les esprits dont ce monde était le leur (et qui n’avaient jamais été incarnés). Il pouvait être aussi, bien sûr, ressenti comme un monde « psychique » « intérieur », comme un monde miniaturisé. En d’autre mots, Jung pense maintenant moins en termes de deux mondes, l’un intérieur et l’autre extérieur, et davantage en termes de deux aspects d’un même monde : un microcosme et un macrocosme. Il appela ce monde « réalité psychique ». Il est difficile pour nous de saisir la réalité psychique parce que notre vue du monde est tenacement dualiste depuis si longtemps. Le dualisme remporta du succès au début du 17 ième siecle avec le nouvel empirisme de Francis Bacon et la philosophie de René Descartes, qui divisa fermement le monde entre l’Esprit (sujet) et Extension (objet). Mais le fondement d’une telle division avait été posée des siècles auparavant, au Conseil de l’Eglise de 869, qui établit de manière dogmatique que l’homme était composé de deux parties, le corps et l’esprit. Le troisième composant – l’âme- était sous-jacente à l’esprit, et donc la distinction essentielle fut perdue. Car, c’est précisément à l’âme (grec : psyche, latin : anima) que la psyché se réfère : un monde intermédiaire entre le physique et le spirituel, participant des deux. (…) Les grandes autorités au sujet du monde intermédiaire de la réalité psychique furent les Néo-platonistes qui fleurirent de la moitié du 3 ième siècle jusqu’au milieu du 6 ieme. Selon le dialogue le plus mystique de Platon, le Timaeus, ils appelaient cette région intermédiaire l’Âme du Monde, largement connue en latin comme Anima Mundi. Tout comme l’âme humaine agissant en médiatrice entre l’esprit et le corps, ainsi le monde de l’Âme agissait en médiateur entre L’Unique (qui, comme Dieu, etait la source transcendante de toute chose) et le matériel, monde sensoriel. Les agents de cette médiation étaient appelés daimons (quelquefois épelés daemons) – qui, pour ainsi dire, peuplaient le Monde de l’âme et procuraient une connexion entre les dieux et les hommes. Le christianisme plus tard, injustement prononca ces daimons « démons ». Mais à l’origine, ils étaient simplement les êtres qui affluaient dans les mythes et le folklore, des nymphes grecques, satyres, faunes, dryades, etc.… aux elfes, gnomes, trolls, djinns, et autres. Les daimons étaient essentiels à la tradition philosophique Gnostique -Hermétique- Néoplatonicienne – qui était davantage plus proche de la psychologie (au sens Jungien) ou une discipline mystique que les exercices logiques que cette philosophie devint. Mais les daimons des mythes évoluaient en un genre plus adapté à ces philosophies, qu’ils soient anges, âmes, archons, trônes, ou pouvoirs – dont beaucoup, plus tard infiltrèrent le christianisme. Toujours flexibles, les daimons changeaient leur forme pour convenir à l’époque, devenant même des abstractions lorsque nécessaire (les hénades néoplatoniciennes par exemple) mais préférant si possible demeurer personnifiés. La collection de personnages archétypaux de Jung- ombre, anima/animus, Grande Mère, Vieux Sage- placa celui-ci fermement dans cette tradition. Jamais vraiment divins ni humains, les daimons firent irruption du Monde de l’Âme. Ils n’étaient ni spirituels, ni physiques, mais les deux. Non plus étaient-ils, comme Jung le découvrit, totalement intérieurs ou totalement extérieurs, mais les deux. Ils étaient des êtres paradoxaux, à la fois bons et mauvais, bienveillants et effrayants, guidant et prévenant, protégeant et rendant fous. (…) Dans les termes de Jung, les daimons étaient des images archétypales qui, dans le processus de l’individuation, nous conduisaient vers les archétypes (dieux) eux-mêmes. Ils n’avaient pas à délivrer des messages ; ils étaient les messages eux-mêmes. Les Grecs comprirent très tôt que les daimons pouvaient être psychologiques, au sens Jungien. Ils attribuèrent aux daimons « ces impulsions irrationnelles qui montent en un homme contre sa volonté pour le tenter – comme l’espoir ou la peur, par exemple. » Les daimons de la passion ou de la jalousie et de la haine nous possèdent encore, comme ils l’ont toujours fait, nous faisant nous indigner « je ne sais pas ce qui m’a pris. Je n’étais pas moi-même ». Mais alors que l’activité daimonique est plus remarquable dans les comportements obsessifs et irrationnels, elle est toujours calmement au travail derrière les scènes. Notre tâche est d’identifier le daimon derrière nos besoins et nos désirs les plus profonds, nos projets et idéologies pour lesquels, comme nous l’avons vu, ils ont toujours un intérêt religieux, allant et retournant au divin, le fond archétypal de l’être. La chose que nous ne devons pas faire est de les ignorer parce que comme Plutarque a mis en garde, celui qui nie les daimons brise la chaîne qui unit le monde à Dieu.
Lorsque Jung parlait d'images, il se referait specialement bien sûr à ces images archetypales que nous rencontrons comme daimons et dieux. Nous ne devons pas nous laisser égarer par le terme d'"images" en les considérant comme quelque chose d'irréel. Nous devrions, au contraire, nous approcher d'eux comme Jung a approché les daimons comme son Philemon - "comme s'ils étaient des gens réels" qu'il "écoute attentivement". Nous remarquons qu'il ne les a pas envisagés aussi littéralement que nous le faisons (à tort) avec les hallucinations ou (correctement) les gens dans la rue. Ni comme "des extraterrestres". Non plus comme des parties de lui, des illusions ou de pures projections. Il les a considérés comme des "êtres métaphoriques", comme s'ils étaient des gens réels. Et c'est cette réalité métaphorique, aussi réelle que (si ce n'est plus) la réalité littérale - aussi réelle que Philemon - qu'il a appelé la réalité psychique. Pour ôter cette teinte de subjectivité généralement rattachée au terme "psychique", je l'appellerai la réalité daimonique.
L'avantage de l'Anima Mundi sur l'inconscient collectif en tant que métaphore de base pour traduire la réalité daimonique est que celle-ci fait passer l'idée de l'âme, avec toute sa connotation religieuse, contrairement au terme de psyché qui a perdu sa connotation entre les mains de presque tous sauf Jung. De plus, cette dénomination d'Anima Mundi ne sous-entend pas, comme "l'inconscient" le fait, un monde intérieur hâtivement réduit à de la "simple psychologie". Elle reflète plutôt l'idée d'un monde objectif animé "au-delà".
"Si toutes nos images mentales et cela vaut aussi pour les apparitions (je ne vois aucune raison de distinguer)," écrit Yeats, " sont des formes existant au sein du cadre général de l'Anima Mundi et reflété dans celui de notre cadre particulier, beaucoup de choses alors etant de travers y sont redressées".
Selon notre perspective, l'âme est un microcosme, "un petit monde" en soi, qui comprend un niveau collectif profond ,l'âme du monde où toutes les âmes individuelles se rencontrent. Du point de vue de l'âme du monde, c'est un macrocosme, un monde intégral,impersonnel, qui peut paradoxalement se manifester de façon personnelle - comme les âmes humaines individuelles. Jung l'a compris, si nous pénétrons assez profondément en nous-même, pour ainsi dire, l'inconscient devient inversé : "'Tout au fond, la psyché est simplement le monde".
En dehors de l'enceinte consacrée - le temenos - du village, des lieux sacrés abritaient les daimons qui, naturellement, préfèraient un endroit à un autre, un certain arbre ici, une roche là. À l'intérieur des hauts lieux de fabrique humaine - l'âtre, les tombes, les temples - résidaient les dieux domestiques et les ancêtres spirituels. Car les daimons doivent être honorés. La lumière flottant au dessus des timuli ou des cercles de pierres levées, s'élevant au dessus des tombes sacrées ou des puits sanctifiés, est un des signes indiquant un endroit daimonique. Les ovnis survolent les bases militaires, les centrales, les réservoirs parce que ceux-ci sont les hauts lieux de notre culture séculaire et moderne dont les préoccupations technologiques sont reflétées dans le déploiement douteux "d'engins spatiaux" hi-tech d'origine extra-terrestre.
On appelle les endroits où il y a une haute incidence d'ovnis "fenêtres". Un terme pas inadéquat pour désigner un site sacré, et qui suggère une grande transparence entre les réalités daimonique et ordinaire. Il est de notoriété que les daimons ont une préfèrence marquée pour les frontières, frontières que l'anthropologue Victor Turner a qualifié de zones liminales ("seuils"). Celles-ci peuvent être en nous (entre le sommeil et le réveil, le conscient et l'inconscient) ou à l'extérieur de nous - les croisements, les ponts, les rivages. Elles peuvent aussi prendre place à certains moments, entre le jour et la nuit, à minuit, au tournant de l'année. Les terrains de caravanes ou les parcs de camions deviennent souvent specialement hantés par les ovnis ou des créatures étranges, peut-être parce qu'ils sont "liminalement" situés entre la ville et la campagne, la zone habitée et les régions sauvages. De toute façon, chacun connait un lieu enchanté, qu'il soit admis publiquement ou seulement gardé privé. En ce lieu, les lois du temps et de l'espace, de matière et de causalité semblent atténuées; et nous entrevoyons l'espace d'un instant un ordre des choses jusque là invisible.
Dans son livre "The Discarded Image", C.S.Lewis tente de représenter l'univers tel qu'il etait percu par une personne de l'epoque medievale. Il décrit leur vue du paradis, avec son système précis de sphères cristallines s'elevant dans l'espace vaste mais fini, imposant comme une grande cathédrale. Et alors qu'il s'apprête à décrire la vue sur la Terre et ses habitants occupant l'extrêmité la plus basse de cette Grande Chaîne d'Être, qui s'étend en dessous de Dieu et des anges, jusqu'à l'homme, les animaux, les plantes et même les pierres, il se trouve obligé de marquer une pause et de considérer une catégorie insolite d'êtres. Ils ne sont pas seulement étranges pour lui, en tant qu'historien lettré et apologiste chrétien, mais ceux-ci sont aussi en désaccord avec la cosmologie qu'il expose, ce monde encore plus précis et ordonné que notre propre vision du monde. D'après l'auteur romain Martianus Capella, ces êtres sont appelés longaevi (vraisemblablement "ceux de grande longévité") - "les hordes dansantes" qui "hantent les bois, les clairières et les bosquets et les lacs et les sources et les ruisseaux; dont les noms sont les Pans, les Faunes,... Les satyres, Sylvains, Nymphes." Ils sont, évidemment, nos daimons.
"En un sens," dit Lewis,"c'est dans leur non-importance que réside leur importance. Ce sont des créatures fugitives et marginales. Peut-être les seules créatures auxquelles le Modèle [c'est-à-dire le cosmos médiéval] n'attribue pas, en effet, un statut officiel." Et cela vaut autant pour notre propre modèle actuel du cosmos que celui d'alors. C'est dans la nature des daimons d'être toujours indépendants, constituant un obstacle aux structures ordonnées par lesquelles nous envisageons la Création. Pour son crédit, Lewis ne les désapprouve pas. "C'est en cela que consiste leur valeur imaginative," dit-il. "Ils présentent une tendance opportune au sauvage et à l'incertitude au sein d'un univers qui court le danger de s'expliquer à outrance et de devenir trop lumineux."
Au dix-septième siècle, il restait quelques sages - le philosophe Hermétique Robert Fludd, par exemple, un ou deux platoniciens de Cambridge, et même Isaac Newton qui consacra vingt ans à l'étude de l'alchimie. Mais en grande partie, l'élite des savants était, alors autant qu'aujourd'hui, moins que sage. Ils adhéraient à la nouvelle vision du monde émergeante - scientifique, séculaire, sceptique - qui même après trois siècles est toujours plus ou moins intacte. Cette vision du monde n'a pas tant démonisé les daimons, sans parler de les christianiser, qu'elle n'a simplement refusé de les reconnaître. Ceux-ci étaient impossibles - et donc ils n'existaient pas.
Au centre de ce développement, on trouve la philosophie dualiste de Descartes qui, comme je l'ai mentionné, divisa efficacement le monde en Esprit et Extension, c'est-à-dire une conscience subjective et un monde objectif, externe. La nature n'était plus une entité vivante à laquelle nous participions; c'était un domaine séparé entierement constitué d'objets sans âme. Ainsi acculés hors de la Nature, les daimons furent véritablement forcés de se réfugier dans l'autre moitié du monde toléré - celui subjectif de l'Esprit.
Mais l'Esprit était plus ou moins identifié à la conscience et, très vite, la Raison. Mais lui non plus n'eut de place pour l'univers daimonique, et ce dernier fut contraint alors de descendre "sous-terre", dans les régions inconscientes de l'Esprit. En fait, on pourrait même argumenter "que l'inconscient" fut formé durant cette période; que l'Âme du Monde se soit vue retirée "de l'extérieur" pour être resituée "à l'intérieur", en tant qu'inconscient collectif, et finalement être redécouverte par la psychologie des profondeurs.
Cependant les humanistes du dix-huitième siècle, qui n'avaient aucun concept de l'inconscient, assignérent au daimonique la faculté d'imagination. Le premier volume "The Gentleman's Magazine", un recueil de conventions culturelles du dix-huitième siècle, émit une note ostensiblement moderne quand il annonca que "les Apparitions, Genii, Démons, Lutins, Sorciers et Magiciens sont maintenant considérés comme des histoires futiles." Ainsi, ils passèrent pour imaginaires et inoffensifs. Mais, en même temps, l'imagination etait redoutée car percue comme une menace à la Raison, comme une source "d'enthousiasme" irrationnel. Elle fut démonisée, de même que la Nature avait été démonisée par les Puritains - tout comme l'inconscient allait l'être plus tard par les psychologues, le stygmatisant en jungle dangereuse, fosse à fumier, chaudron bouillonnant de désirs débridés. L'imagination fut qualifiée d'une manière presque similaire au dix-huitième siècle. Elle était permise à la condition que celle-ci demeure modérée, débonnaire et dominée. Pourtant, au tournant du dix-neuvième siècle, une plus grande vision de l'imagination se profila - comme nous le verrons - avec les poètes Romantiques et les daimons emprisonnés firent à nouveau irruption dans la vie.
A notre époque moderne, les daimons apparaissent considérablement comme ils l'ont toujours fait . Ils se manifestent exterieurement sous une multitude d'apparences; et intérieurement tantôt comme des muses inspiratrices ou comme des démons qui nous possèdent et nous rendent fous. Comme toujours ils apparaissent en premier lieu dans les rêves. La psychologie des profondeurs moderne s'est imposée parce que les daimons ne pouvaient plus longtemps être ignorés. Ils se sont fait sentir au travers des symptômes névrotiques, les obsessions et la psychose. Freud et ses continuateurs documentérent les complexes dont les cris s'elevaient en nous avec des voix étrangères; Jung répondit à leur appel, les suivant jusque dans les profondeurs, au-delà du personnel, au-delà même de l'humain, jusque dans le monde des principes psychologiques et archétypaux dans lesquels il vit les Dieux revenir sous une nouvelle forme. Freud ne pouvait pas le suivre jusqu'en bas. Il craignait les daimons de l'inconscient, les démonisait, mettant en garde Jung "contre la marée de boue noire de l'occultisme". Mais Jung osa entreprendre son propre voyage dans l'inconscient collectif et trouva là quelque chose d'entièrement différent, quelque chose - comme nous le verrons - inimaginable. D'autres écoles de psychologie devinrent de plus en plus matérialistes et réductrices, traitant les daimons comme s'ils étaient purement physiologiques. L'âme fut réduite à l'Esprit et l'Esprit au cerveau. Les daimons n'ont pas tant été démonisés qu'ils ont été medicalisés."Les Dieux sont devenus nos maladies", Jung se plaisait à déplorer.
Notre difficulté réside dans le fait que nous ayions été élevés dans une vision du monde littérale. Nous réclamons que les objets aient une seule identité simple ou un seul sens. Nous sommes excercés à voir avec l'oeil uniquement, dans une vision exclusive.Lorsque le surnaturel nous assaille, transformant le profane en quelque chose de sacré, stupéfiant, nous ne sommes pas équipés pour cela. Au lieu de saisir la vision, en méditant sur elle - ou écrire un poème si nécessaire - nous réagissons avec effroi et panique. Au lieu de coordonner le semblable avec le semblable - c'est-à-dire assimiler par le biais de l'imagination la complexité de l'image qui nous est présentée - nous téléphonons fébrilement à nos scientifiques afin d'être rassurés. Ils nous disent alors que nous "voyons seulement des choses" et de ce fait nous gâchons l'opportunité de comprendre l'ordre différent et daimonique de la réalité qui repose derrière l'ordre simplement littéral.
La distinction entre le daimonique et le littéral deviendra plus claire à mesure que nous avancerons, par la répétition dans de différents contextes. Mais parce que cette distinction est une partie essentielle de mon argumentation, je me dois d'introduire ici quelques mots à propos du littéralisme. En un sens il nous est extraordinairement difficile de comprendre le literalisme parce que le monde que nous habitons est déterminé par celui-ci- des mots comme "réel", "factuel", "vrai" signifient invariablement littéralement réel,factuel, vrai. Mais en un autre sens, il nous est facile de comprendre une autre sorte de réalité, de vérité - par exemple,chaque fois que nous regardons une pièce de théâtre ou un film. Si c'est assez bon (nous pourrions dire : si c'est de l'art),nous estimons que nous assistons à une révélation d'une réalité plus profonde, normalement dissimulée sous le fratras de nos vies banales. Même si ce n'est pas du grand art, nous ressentons toujours - étonnamment - toutes les émotions d'incertitude, de joie, de pitié et de terreur comme si le film (ou la pièce) était réel. Il nous saisit comme le daimonique. Nous sommes saisis parce que le drame est réel - pas littéralement réel, mais imaginativement réel. Nous chancelons hors du théâtre ou du cinéma, nous frottant les yeux comme si nous venions de voir un "grand rêve" ou une vision; et nos yeux se posent sur le monde ordinaire qui semble maintenant curieusement irréel comparé au film; nous pouvons à moitié croire que nous sommes vraiment "de l'étoffe sont sont faits les rêves".
L'ennui c'est que nous trouvons difficile de prendre une telle réalité imaginative au sérieux pendant longtemps. Le caractére littéral se réaffirme. Il parvient même à nous convaincre que les puissantes expériences imaginatives ne sont qu'imaginaires, traitant l'imagination avec le même dédain qu'il traite la réalité daimonique. Mais pour les poètes et les visionnaires comme William Blake, l'imagination est le mode de conception du monde le plus important et primaire.
Pour résumer initialement, alors, j'avancerais que la réalité littérale est seulement une sorte de réalité, dérivant d'une réalité superordonnée - ici appelée daimonique - qui est plutôt métaphorique que littérale, imaginative qu'empirique. La réalité littérale est donc, si elle est quoique ce soit, moins réelle que la réalité daimonique. De plus, par rapport à l'histoire de notre culture et aussi des cultures traditionnelles, la croyance au littéralisme de la réalité est l'exception davantage que la règle. La réalité littérale est le produit du littéralisme, qui est véritablement une façon de voir le monde, une perspective sur le monde, mais qui exige d'être une propriété inhérente à ce monde. Le littéralisme réclame d'être la seule réalité et à ce titre, nie activement d'autres sortes de réalités, surtout celle de type daimonique, qu'il appelle irréele, fictive, même folle.
Je ne suis pas en train de suggérer que nous nous efforçions de voir le monde seulement à la manière des visionnaires. Percevoir tous les objets aériens comme des anges - voir seulement le soleil divin et non le soleil commun - méne à la maison de fous. C'est tout aussi littéral que de considérer une lumière dans le ciel comme etant uniquement une boule de gaz chaud ou une planète déserte (ou un engin spatial extraterrestre). Ceci, aussi, est une forme de folie, bien qu'établie et tenue pour normale. La solution doit être de cultiver le sens de la métaphore qui, comme son étymologie le suggère, signifie la capacité de "transporter" ou "porter à travers" - interpréter une vue du monde selon d'autres critères. La santé mentale est l'acquisition de ce que Blake appelait "la double vision", qui lui permit, par exemple, de voir "avec mon oeil intérieur ... un vieil homme gris / avec mon oeil extérieur un chardon sur mon sentier".
Aussi longtemps que nous aurons des religions, nous aurons des révélations - et des délusions. Et nous aurons aussi des comités de théologiens, psychiatres, etc., selon les dictats de la mode, pour déterminer où finit la délusion où commence la révélation. Mais, en vérité, les deux existent en continuum. Les limites entre les deux varient d'une personne à une autre, d'un âge à un autre,d'une culture à l'autre.
Le Lexique d'Alchimie de Martin Rutland (1622) définit Imaginatio comme "l'étoile dans l'homme, le céleste ou corps supercéleste"(le mot qu'il utilise pour étoile, astrum, est tiré de Paracelce et implique une notion s'approchant de "la quintessence""). Cette "définition déroutante" dit Jung, nous invite à concevoir le travail alchimique non comme une série "de fantômes immatériels", mais comme "quelque chose de corporel", un "corps subtil"."Peut-être la clé la plus importante à la compréhension de l'opus". L'imagination est maintenant appréhendée comme "un extrait concentré de forces vitales, autant physiques que psychiques". Autrement dit, l'Imagination est "le monde intermédiaire entre l'esprit et la matière, une dimension psychique de corps subtils"- la dimension - qui nous est maintenant familiere- sous les termes de réalité daimonique. Les images de l'opus alchimique cessent d'être des projections inconscientes pour devenir davantage un drame archétypal se jouant entre l'alchimiste et son oeuvre. Leur rapport est à la fois en collaboration et réciprocité. Les processus chimiques - conjonction, mortification, sublimation, même projection (les noms révèlent) - reflètent la transformation psychique de l'alchimiste et vice versa.C'est l'etat intermédiaire, daimonique dans lequel nous glissons chaque fois que les objets naturels, telles les substances alchimiques, dévoilent une vie vibrante et cachée : un monstre dans un rondin flottant à la surface du lac, un vaisseau spatial dans la forme de la planète, une nymphe dans l'arbre, un dieu dans le soleil. L'imagination dirige le regard directement dans la vie intérieure des choses, nous rappelant qu' "il y a toujours plus à expérimenter et encore davantage dans ce que nous expérimentons que nous ne pouvons prédire".
Le meilleur des psychologues post-junguiens, James Hillman, critique lui-même le concept de Jung de l'inconscient parce que celui-ci obscurcit et amoindrit l'Imagination. Car adhérer à l'idée de l'inconscient, c'est à la fois entretenir l'erreur du dualisme cartésien qui positionne l'esprit à l'"intérieur" et le sépare du monde "extérieur", et entretenir la notion erronée d'un inconscient en tant que "contenant" (Jung à plusieurs reprises se réfère aux contenus de l'inconscient). Mais l'inconscient n'est pas localisé "à l'intérieur de nous", non plus n'est-il un "contenant" d'images archétypales. Il n'est pas, en d'autres termes, un endroit "litéral" du tout, mais il est une métaphore, un outil pour approfondir et intérioriser l'expérience, une représentation de la richesse, de la profondeur, de la complexité de l'âme.
Hillman audacieusement et sans équivoque apparente l'Imagination à l'Âme. En un sens, il sauve l'Âme des mains des théologiens dans lesquelles elle était tombée en désuétude et ruines. En même temps il redonne à l'Âme l'importance religieuse accordée au terme grec originel de "psyché" avant qu'il ne soit repris par des psychologues modernes et séculaires,quasi-scientifiques. Il nous rappelle que l'Âme n'est pas une "chose" en elle-même, ni une substance; plutôt elle est une possibilité imaginative faisant partie de notre nature, un arrangement de perspectives. L'Âme, pour ainsi dire, imagine; et les images qu'elle imagine sont les daimons qui se manifestent non seulement comme personnifications, mais aussi - de manière invisible- comme perspectives. Ils sont les yeux multiples qui regardent à travers nos yeux. Nous appelons la perspective particulière de notre daimon le "monde"; mais il y a autant de "mondes" qu'il y a de daimons. La réalité est originairement métaphorique, imaginative, daimonique.
Imaginer, c'est changer de perspective, c'est voir les choses entièrement différement- du point de vue d'une autre personne, par exemple, ou à travers cette personne le point de vue d'un autre daimon. Maintenant, nous pouvons voir plus clairement la nature métaphorique de "l'inconscient": c'est être inconscient de la perspective qui gouverne notre point de vue, nos idées, nos comportements. C'est un manque de conscience de l'Imagination et de ses myriades de possibilités dans nos vies conscientes. Le seul fait que la notion d'Âme en tant qu'arrangement de perspectives, differentes manières de voir, soit si difficile à saisir prouve notre inconscience de l'Âme (on pourrait même dire notre perte de l'Âme). Tout comme il est incorrect de parler de l'âme, il est aussi incorrect, à proprement parler,de parler de "mon" âme parce que l'Âme est véritablement un diminutif d'Anima Mundi et en tant que telle, elle est au fond impersonnelle et collective. Néanmoins, cela ne signifie pas qu'elle ne se manifeste pas - paradoxalement - sous une forme personnelle, comme âmes individuelles. L'Imagination est alors une autre manière de représenter l'Anima Mundi (ou Âme), de même que pour la représentation de l'inconscient collectif. Bien que ces trois termes soient des modéles pour cette réalité que j'ai nommé daimonique, ils ne sont pas exactement synonymes parce qu'ils ont été formulés dans des contextes culturels différents et à l'intérieur de différentes disciplines. Anima Mundi est, par exemple, un modéle philosophique (dans le sens neo-platonique), alors que l'inconscient collectif est psychologique, et l'Imagination esthétique. On peut donc dire que les trois modéles sont analogues ou métaphores pour l'un et l'autre. Ainsi, dans le futur, les utiliserai-je de manière interchangeable, selon l'emphase que je veux placer.
À propos du paranormal
Litéralisme comme idolâtrie
Nous pouvons aussi nous demander, par dessus tout peut-être, pour quelle raison un évènement daimonique se manifeste aussi concretement. Les Crop Circles sont tellement "là" que nous avons bien du mal à croire qu'ils soient daimoniques - jusqu'à ce que nous cherchions une cause profonde : animaux, hélicoptères, canulars, Ovnis, tourbillons, énergies telluriques... aucun d'eux ne sont là lorsque nous en avons besoin. Et néanmoins nous sentons qu'ils "doivent" être là, juste comme nous sentons qu'un engin spacial doit être là lorsque nous trouvons des "traces d'atterissage" apres l'apparition d'un ovni, ou que des yetis sont là lorsque nous trouvons leurs empreintes dans la neige. Leur signature daimonique insiste sur la réalité de leurs auteurs, mais nous découvrons que la réalité est paradoxale, métaphorique, poétique, symbolique, mythique. Elle est daimonique, non littérale.
Le litéralisme assez simplement présente le plus gros obstacle à notre compréhension des apparitions et visions. C'est spécialement flagrant lorsque l'apparition en question est quelque chose d'aussi physique qu'un crop circle. Mais pour attribuer à tout ce qui est physique une seule réalité littérale est une folie à laquelle notre époque est particulierement encline. En fait, rien de physique n'est seulement littéral. L'imagination transfigure tout; l'Âme est transparente à tout; "tout ce qui vit est sacré". Si nous cultivons la "double vision", voyons à travers les yeux au lieu de seulement voir avec,chaque objet détient une intelligence brillante.
Le littéralisme mène à l'idolâtrie. L'idolâtrie signifie traditionnellement le culte de fausses images, mais elle est en fait le faux culte des images (il n'y a pas de fausses images). Traiter nos images comme des idées, des croyances,des théories de causalité comme une fin plutôt qu'un moyen, comme absolus plutôt que relatifs, c'est se laisser pétrifier par le caractère litéral et obstruer le jeu libre de l'Imagination qui est essentiel pour la santé de l'Âme. Nous devenons dogmatiques, et même fanatiques. Nous devenons "intégristes" - les chrétiens qui traitent les mythes bibliques et vérités spirituelles comme des faits historiques et instructions littérales; les ufologues qui insistent sur l'existence littérale d'extra-terrestres venant d'autres planètes; les matérialistes qui croient en la seule réalité de la matière; les cryptozoologues qui croient que les monstres des lacs sont des créatures littérales; les scientifiques qui croient en la vérité litérale de leurs paradigmes et hypothèses. Tous ces gens se rejoignent dans le préjudice porté au daimonique.
Ce n'est pas à notre honneur que les daimons, afin d'attirer l'attention sur leur réalité se voient contraints de devenir physiques et fixes, comme les crop circles. En tournant en mascarade - en parodiant - des faits littéraux, ils répondent à notre exigence moderne d'effets quantifiables sans lesquels tout le reste est jugé illusoire. En d'autres mots, leur manière de présenter leur propre réalité mythique, métaphorique, est d'apparaître non comme littéraux, mais "comme si" ils étaient littéraux.
Les rêves nous initient à l'Autre Monde en prenant les gens, les choses et les évenements de nos vies conscientes éveillées et en les traduisant par des images, les "délittéralisant" - les "daimonisant". Réciproquement, les images daimoniques se prolongent aprés le sommeil, nous hantent, et ajoutent une autre dimension plus profonde à nos vies, nous demandant de nous occuper d'elles, de les comprendre, de les incorporer. Comme les daimons qui les habitent, les rêves nous offrent la sagesse en échange de notre force. Malheureusement, nous les réprimons trop souvent avec une interprétation, les trainant jusque dans une lumière trop vive, et les harnachons à l'ego afin de renforcer sa perspective. Il n'est pas étonnant que nous oublions nos rêves - ils résistent aux efforts de notre mémoire pour la raison qu'ils ne souhaitent pas être pressés au service de l'ego, être littéralisés et, hélas, démonisés. La force qu'ils recherchent n'est pas de cette sorte. Même Jung fut peut-être parfois trop zélé dans son insistance à vouloir rendre nos contenus inconscients, conscients (après tout, les daimons ont leur propre conscience, souvent "plus grande" que la nôtre).
Ce que les daimons cherchent dans nos rêve est notre capacité, à travers la réflexion et la méditation, à donner forme à leur tranformation dynamique; ordonner et discriminer leur chaos; matérialiser leur volatilité éthérée; exprimer leur perspective et non celle de l'ego. Ceci est la "force", la substance qu'ils cherchent. Cela présuppose que nous les reconnaissions, les accomodions et même les révérions; car, s'ils ne peuvent se connaître qu'à travers nous, c'est seulement à travers eux que nous pouvons connaitre nos sois les plus profonds.(...) Car rêver est peut-être la seule méthode d'initiation qu'il nous reste: chaque nuit apporte une "petite mort" par laquelle nous nous acclimatisons à l'Autre Monde, préparant le voyage que toutes les âmes doivent entreprendre à la fin.
Les conceptions traditionnelles de la nature humaine ont toujours admis deux âmes. Dans l'Egypte ancienne, par exemple, elles étaient connues sous le nom de Ka et Ba; en Chine, hun et p'o. L'une de ces âmes habite le corps et est l'equivalent de ce que nous appelons, faute de mieux,l'ego. Je l'appellerai l'ego rationnel pour le distinguer de la seconde âme, variablement appelée, dans d'autres cultures, l'âme-ombre, l'âme-fantôme, l'âme-mort, âme-image et rêve-image, pour lesquelles notre culture a le mot "âme", ou autrement aucun mot, parce que géneralement on ne croit pas à son existence. Toutefois, elle existe et peut être aussi percue comme un ego, dans le sens qu'elle nous confère une idendité et une individualité. Elle nous permet, c'est à dire - comme l'ego rationnel - de dire "je". Mais c'est un ego, non de conscience, mais de l'inconscient; non un ego éveillé, mais un rêve-ego; non un ego rationnel, mais un ego irrationel. Je l'appelerai l'ego daimonique. Comme l'ego rationnel, il a un corps - non un corps physique mais un rêve-corps, un corps "subtil" comme celui que nous imaginons pour les daimons, un corps astral comme certaines doctrines esotériques disent: bref, un corps daimonique.
La combinaison de l'ego rationnel et du corps physique n'est pas directement analogue au rêve-ego et corps daimonique parce que ces derniers ne sont pas, à strictement parler, ressentis comme séparés. Le corps daimonique reflète immédiatement l'ego daimonique, et vice-versa. C'est un corps imaginatif, une image, comme nous le connaissons dans les rêves, lorsqu'il peut porter tous les habits qu'il veut et peut même changer completement sa forme. Soudainement, il peut passer d'une position où il observe une personne à celle de devenir cette personne - c'est à dire qu'il incarne la manière dont l'ego daimonique change son point de vue, regardant à travers les yeux d'une personne qu'il etait en train d'observer juste avant, ou ressentant les émotions d'une personne que lui-même provoqua auparavant.
Ainsi, c'est le corps-ego daimonique, pour ainsi dire, qui est "l'âme" pouvant être "perdue", l'âme qui, chez le chamane, entreprend les voyages dans l'Autre Monde. C'est elle qui part lors d'expériences de sorties du corps ou lors de ces expériences en vogue, les "expériences proches de la mort", lorsque typiquement, nous "mourrons" sur la table d'opération , seulement pour découvrir que nous flottons au dessus de notre corps, pouvant observer ce qu'il se passe et entendre ce que les chirurgiens disent (ils sont stupéfaits lorsque rétablis, nous leur répétons leurs paroles). C'est cette âme, aussi, qui devient visible lorsque nos doppelgänger (doubles) apparaissent mystérieusement. C'est cette âme qui, chez les mystiques chrétiens, monte vers le Dieu Père, déclenchant le débat qui pose la question de savoir si l'âme demeure intacte durant l'union mystique (dans le sens d'identité), ou si finallement, elle est dissoute, ou absorbée par Dieu.
Les egos daimonique et rationnel ne sont pas aussi séparés que, par soucis de commodité, je les ai dépeints. Ils coulent en permanence l'un dans l'autre, tout-à-fait comme nos vie éveillée et vie rêvée s'influencent l'une et l'autre. L'ego daimonique peut à tout moment déposséder l'ego rationnel de sa conscience comme lorsque, par exemple, nous sommes absorbés dans une activité imaginative ou lorsque nous sommes saisis par une expérience visionnaire. Inversement, l'ego rationnel peut altérer le daimonique, transposant dans les rêves et visions les attitudes "éveillées" qui sont totalement inappropriées dans le monde crépusculaire des daimons. Naturellement, l'ego rationnel est souvent effrayé par les images irrationnelles qu'il y rencontre. Il essaye de s'enfuir - seulement pour découvrir qu'il ne peut bouger, parce que de telles actions littéralement musculaires n'ont aucun pouvoir de déplacer le corps daimonique.
Similairement,lorsque nous nous réveillons la nuit, comme il arrive souvent aux personnes enlevées par les extra-terrestres, pour trouver des "extra-terrestres" dans la chambre, nous ne pouvons pas bouger parce que nos corps physiques sont endormis et seul l'ego rationnel est éveillé. En fait, devrais-je dire, seul l'ego daimonique "veille"; mais, puisque nous ne le reconnaissons ni ne le comprenons, nous imaginons que c'est l'ego rationnel- ce dernier etant tellement robuste, tellement intransigeant qu'il impose son point de vue rationnel sur l'ego daimonique afin que nous en venions à croire que les évènements nocturnes se déroulent littéralement. Le fait que nous semblions nous réveiller dans nos chambres est une métaphore pour cette activité littéralisante de l'ego rationnel; car, en fait, nous nous réveillons dans la dimension daimonique sur laquelle l'image de notre chambre familière, diurne et "rationnelle" est imposée. Lorsque les extra-terrestres, s'introduisent dans cette image du coté daimonique, font "flotter" notre corps jusque dans leur "engin spatial", ce n'est pas seulement le corps daimonique quittant le corps physique, mais aussi l'ego daimonique qui quitte l'image de la chambre littérale pour entrer dans l'espace proprement daimonique, où il est pressé d'abandonner son point de vue rationnel et littéralisant. Mais, ceci, précisément, est l'initiation : L'intimidation et finallement le démantèlement du point de vue rationnel par le monde étranger daimonique afin d'installer son propre ego daimonique.
Il devrait maintenant devenir apparent que la division que j'ai tracée entre les deux sortes d'egos n'est qu'une facon de parler. En réalité, il y a un seul ego, mais avec deux perspectives: l'ego éveilé, conscient, rationnel, littéralisant est simplement un autre aspect de l'ego rêvant, inconscient, irrationnel, daimonique, comme si tous deux etaient deux faces d'une même pièce de monnaie. Mais l'ego daimonique changeant de forme peut assumer d'innombrables perspectives différentes, toutes plus ou moins daimoniques, tous les membres de la même "famille", comme les héros de la mythologie grecque. Seul l'ego rationnel promeut sa propre et unique perspective littéralistique comme seule perspective en niant - démonisant - simultanément toutes les autres.
Âme et Esprit
J'ai dit que l'ego-conscience a de nombreuses perspectives, toutes plus ou moins daimoniques, exceptée une - la perspective rationnelle et par dessus tout, l'ego littéralisant. Par rapport à la réalité daimonique elle-même, à l'Anima Mundi et sa personnification, l'Âme - ils ne sont pas daimoniques. Pour formuler les choses autrement, l'ego daimonique est une âme par rapport à l'ego rationnel, mais par rapport à l'Âme, il est l'Esprit.
J'ai quelquefois établi une distinction entre l'âme et l'esprit sur laquelle je devrais maintenant être plus explicite, puisque l'âme et l'esprit reflètent une tension fondamentale dans la vie humaine. Par exemple, l'élan vers l'intégration, l'individualité, et l'unité est essentiellement spirituel, comme le monothéisme en général (et particulièrement le christianisme) est une religion spirituelle. L'Âme, d'autre part, place l'emphase sur la désintégration, la collectivité et la multiplicité. Ce que nous appelons souvent les religions "majeures" sont habituellement des religions spirituelles qui reconnaissent difficilement les religions de l'âme comme des religions à part entière - elles sont appelées polythéisme et animisme - parce qu'elles n'ont pas principe divin "majeur", unique et transcendant, mais mettent plutôt l'accent sur l'égalité d'une pluralité d'images daimoniques "mineures". En guise de guide abrégé sur l'âme et l'esprit, il peut être utile de dresser deux listes de concepts, attributs, et images analogues qui leur ont été durablement associés.
Ainsi: Esprit: Dieu, monothéisme, unité, l'Unique, ego; les Cieux, transcendance, au dessus, hauteurs, ascension, "supérieur"; masculin, conscience, rationnalité, lumière, feu, soleil.
Âme: daimons, polythéisme, multiplicité,diversité, anima; Terre, immanence, en dessous, profondeurs, descente, "inférieur"; féminin, l'inconscient, imagination, sombre, eau, lune.
l'Âme et l'Esprit, il faut se le rappeler, ne sont pas comme deux substances. Ils sont des symboles, comme le yang et le yin, représentant deux angles d'approche de la vie, deux perspectives. C'est comme si l'esprit était une lumière blanche diffractée en couleurs par le prisme de l'âme, ou comme si toutes les couleurs de l'âme se concentraient en une lumière blanche dans le prisme de l'esprit. Dans la perspective de l'âme, l'esprit représente un grand nombre de perspectives - toutes contenues dans l'âme elle-même et cependant toujours essaye-t-il de se dégager et d'imposer une perspective ou une autre sur l'âme comme si elle était extérieure à l'âme. Du point de vue de l'esprit, l'âme est une perspective - en dehors de l'esprit et cependant lui étant attaché, l'enchevêtrant, distrayant son rationalisme avec des émotions, contredisant ses concepts abstraits par le biais d'images concrétes, comme si celles-ci venaient de l'intérieur.
L'Âme et l'Esprit sont les réflexions de l'un et l'autre. Par conséquent, l'intention de mes listes de leurs attributs n'est pas de les rendre opposés - l'opposition est seulement une manière de considérer la tension entre l'esprit et l'âme. D'autres manières expriment mieux cette tension par les relations entre les différentes personnifications des mythes: comme fils à leurs mères, ou époux aux épouses, comme antagonistes ou compagnons, ennemis ou amants, et ainsi de suite. (...) l'Âme et l'Esprit prédéterminent la perspective de l'un et l'autre, définissant l'autre simultanément (excepté que "définir" est le mot de l'esprit, non de l'âme). Nous ne pouvons imaginer au delà de ce couple, nous ne pouvons nous tenir en dehors de ces perspectives réciproques - nous pouvons seulement voir l'un à travers l'autre (la tentative de l'esprit de se tenir en dehors de ce couple, et sa croyance qu'il y est parvenu, constituent précisément l'ego rationnel, comme je le démontrerai bientôt).
Un exemple d'interaction entre l'âme et l'esprit est l'interprétation des mythes. En tant que produits de l'Imagination, les mythes sont les histoires archetypales de l'Âme, mais les mythographes modernes (anthropologues,etc) les approchent avec des explications et définitions scientifiques, là est l'Esprit à l'oeuvre. Il souhaite sous-ligner des principes ou des théories unificatrices, mais l'Âme résiste à ce processus ( il y a toujours des mythes qui echappent au filet d'une quelconque théorie). Elle veut être reflétée mais non par un seul concept ou une seule théorie. Elle ne veut certainement pas être (et ne peut être) expliquée. L'Âme reconnnait la perspective définissante de l'Esprit, mais n'agrée aucune, comme si elle etait la somme totale de toutes les théories qui pourrait être soutenues à son sujet. Mais il n'y a pas de fin à la théorisation, qui - nous commencons à le réaliser- est seulement mythologiser d'une autre facon, un autre ensemble d'histoires. Les concepts, les spéculations, théories sont continues avec les images, légendes, mythes qu'ils intentent d'expliquer. Même lorsque ceux-ci empreintent des postures objectives, comme s'ils se tenaient en dehors des mythes, ils sont non intentiellement déterminés par les propres catégories imaginatives du mythe. Comme Helene de Troie- toujours une cause de conflits - l'Âme observe avec amusement et désespoir pendant que les théories rivalisent acrimonieusement pour conquérir le droit à être la seule théorie, la "vraie" histoire.
Et ce n'est pas seulement à l'interieur des "disciplines" - un vrai mot de l'Esprit - que le conflit fait irruption, il éclate aussi entre les disciplines, aussi longtemps que chacune prétend être exclusivement vraie. Comme les vieux schismes religieux, de nouvelles écoles de pensées divergent et forment même de nouvelles disciplines, comme l'anthropologie, la psychologie, la sociologie, et ainsi de suite, qui etaient pratiquement inconnues il y a cent ans. Mais la prolifération des disciplines est seulement l'expression d'autres perspectives de l'Esprit, d'autres tentatives d'imaginer l'inimaginable Imagination.
Ce livre, incidentellement, n'est pas une exception. Comme oeuvre de l'Esprit, il a essayé d'élucider l'Âme, que j'ai appelée Réalité Daimonique. Mais c'est seulement une perspective sur l'Âme. Il a aussi essayé d'attirer l'attention sur d'autres perspectives - l'inconscient collectif, Anima Mundi, Imagination, et l'Autre Monde. Chacun cherche à approcher l'Âme avec un angle légèrement différent (le terme- ou symbole - "Âme" est en lui-même seulement une autre métaphore). Le terrain commun à ces perspectives est qu'elles ne sont pas imaginées dans un esprit scientifique, apolonnien, qui pense finallement pouvoir définir et expliquer l'Âme; plutôt, elles sont imaginées dans un esprit hermétique qui permet à l'Âme en large mesure de se définir elle-même. Ainsi, bien qu'elles soient des concepts unificateurs, ces perspectives prennnent aussi en compte la diversité des images qui les composent.
Selon les critères modernes des disciplines "sérieuses" et scientifiques, ce livre ne peut apparaitre qu'inconsistant et non-systématique. Il échoue à classifier et expliquer. Mais une classification et explication rigoureuses, admirables en elles-même, auront toujours tendance à faire violence à la réalité daimonique, soit en la forcant à entrer dans la camisole d'une seule perspective, ou pire, en la niant complètement (scientisme) ou la démonisant (christianisme officiel). Forcer la réalité daimonique à entrer dans une seule perspective, c'est faire de l'Âme une imitation de l'Esprit. (...)
S'il est correct - et ca l'est - de lire des motifs psychologiques en termes mythologiques, il est possible aussi de lire les mythes de manière psychologique (une conscience daimonique, telle que les chamanes possedent, ne distinguerait pas entre mythologie et psychologie). Ainsi, en tant qu'exemple montrant comment l'Autre Monde peut être approché d'une manière qui ne soit pas herculéenne, par exemple, j'aimerais aborder un mythe favori, celui de Persée.(...)
Sa tache est de tuer Meduse, une des trois Gorgones, et de ramener sa tête. Méduse habite un type particulier de "Monde Sous-terrain", la terre occidentale des Hyperboréens, où elle vit parmi les images balayées par les vents d'hommes et de bêtes qu'elle a transformés en pierre par un seul regard (c'est son extrême laideur- serpents pour les cheveux, dents immenses, langue protubérante, yeux globuleux- qui les a pétrifiés). Clairement, l'approche directe, littéralistique d'Hercule n'est pas appropriée ici. Sa force ne peut que travailler contre lui car il serait transformé en pierre avant même qu'il n'ait le temps de brandir sa massue.
Il est difficile de savoir ce que Méduse représente en termes psychologiques. Tout semble s'arrêter avec elle. On peut deviner que chaque fois que l'on se sent déprimé, "coincé" chroniquement, ou dans des cas extrêmes, catatonique, on peut voir Méduse à l'oeuvre. Elle repose tres profondement dans l'inconscient. Elle est une sorte de "fin fond", froid et immobile, au delà duquel nous ne pouvons passer,et à cet egard, elle est affiliée de très près à Hadès, Thanatos, la mort.
Beaucoup de préparation et de prudence sont nécéssaires afin de se confronter à Méduse. Cela nécéssite plus d'une perspective, et plus d'un dieu. Sagement, Persée consulte en premier lieu Athena qui le mène à Deicterion à Samos,où des images des Gorgones etaient exposées, ainsi pourra-til distinguer Méduse de ses soeurs. Il apprend à assimiler ce qui est déjà connu de l'inconscient et différencier des contenus qui peuvent apparaitre semblables. Athéna lui enseigne aussi à ne pas regarder Méduse directement, mais seulement sa réflection, et pour cela, elle lui donne un bouclier poli. Ceci peut être considéré comme étant le premier de plusieurs attributs ou vertus, que Persée, comme un bon chamane, doit acquérir. Nous apprenons que la réflection, l'absorption tournée vers l'arrière des expériences passées et des images est une clef pour aborder l'Autre Monde. D'Hermes, Persée recoit une serpe. C'est une arme mortelle, mais contrairement à la massue herculéenne, elle est aiguisée, incisive, et est en connection moins avec la guerre qu'avec la moisson.
Le bouclier et la serpe lui donneront les moyens d'achever sa tache; mais pour revenir vivant, il a besoin de trois choses supplémentaires: une paire de sandales ailées comme celles d'Hermes, pour la rapidité de l'evasion, un sac pour contenir la dangereuse tête décapitée; et le casque d'invisibilité qui appartient à Hades. Afin d'obtenir ceux-ci, il doit effectuer un voyage préliminaire dans le Monde Sous-terrain pour trouver les Nymphes du Styx qui ont la charge de ces objets. Mais pour les trouver, il doit d'abord visiter les Grées qui, elles seules, savent où elles résident. les Grées sont les soeurs des Gorgones et d'une manière typiquement hermétique, Persée ruse pour les faire révéler la direction qu'il doit prendre. En d'autres mots,une petite échauffourée au préalable avec le "gorgonesque", mais des contenus de l'inconscient moins mortels lui permettent de s'orienter dans une perspective du Monde Sous-terrain.
Une fois qu'il a localisé Méduse, Persée l'approche en marchant à reculons en tenant son bouclier de manière à refléter l'image de Méduse afin qu'il puisse éviter de la regarder directement. Ainsi peut-il la décapiter par dessus son épaule avec sa serpe Hermétique. Nous remarquons que cette approche est à l'opposé de celle d'Orphée. En se retournant pour regarder sa femme Eurydice alors qu'il remontait avec elle vers la surface, Orphée prématurement réfléchit ("regarde en arrière")- c'est à dire qu'il adopte une perspective de l'ego qui est inappropriée pour le royaume de l'Âme, qui le sépare de l'Âme, voulant la ramener et la perdant (Eurydice). Persée, en revanche démontre une autre manière, daimonique de réfléchir dans le Monde Sous-terrain. Au lieu d'adopter la perspective normale de l'ego qui s'engage dans le monde sous-terrain (inconscient) la tête la première, il inverse de manière hermétique la procédure- en avancant à reculons et réfléchissant en avant. Paradoxalement la perspective de l'ego est guidée en avant par l'image de l'âme sur laquelle elle se reflète (regardant en arrière). En considérant cette procédure d'une autre manière, on pourrait dire que la Gorgone est une image qui est dangereuse si nous la rencontrons littéralement (directement, tête la première), mais qui est neutralisée lorsque traitée comme l'image d'une image. Comme un double négatif, la réflection la rend positive dans le sens qu'elle la reconnait pour réelle mais pas littérale. L'image est dangereuse si elle est prise littéralement, mais, prise sérieusement comme une image, la Gorgone devient vulnérable et peut être tuée.
Aussitôt son corps donne naissance au cheval ailé Pégase et Chrysaor le guerrier, tous deux concus de l'union avec Poseidon, dieu de la mer.Son assassinat, ainsi, n'est pas une simple destruction à la manière herculéenne mais une délivrance de nouvelles formes d'energies vitales couvées par l'inconscient océanique.
Néanmoins, Persée doit s'echapper, fuir la colère des deux autres soeurs Gorgones et il y parvient en s'eclipsant sous le casque d'invisibilité et en s'envolant avec les sandales ailées. Ces objets d'equippement chamanique sont vraiment des pouvoirs qu'il a gagnés. Le casque- qui appartient à Hades, signifie la perspective de la mort- la mort de l'ego conscient et l'acquisition d'un ego daimonique qui faisant un avec le monde daimonique, y devient invisible. Les sandales représentent la perspective d'Hermes qui, de manière unique, est capable de voler, allant et revenant, entre les hauteurs de l'Olympe, la surface de la Terre, et les profondeurs du Monde Sous-terrain où Hermes est chargé de conduire les âmes des morts. C'est Hermes aussi, qui aide Persée à porter le sac magique qui contient la tête de la Gorgone. Cela nous dit que, pour rendre conscients des contenus inconscients dangereux, nous devons initier un espace à l'intérieur de la conscience qui ait une affinité "stygienne" avec la mort, et soit ainsi assez solide pour les contenir. Mais une fois contenus - assimilés- les contenus ne sont plus antagonistes; au contraire, nous pouvons utiliser leur pouvoirs en propre, comme Persée utilisa la tête de la Gorgone pour pétrifier ses ennemis. Nous remarquons qu'elle est trop lourde à porter sans l'aide d'Hermes.
Il y a plus dans le mythe de Persée que je n'ai la place d'en discutter. Mais j'aimerais mentionner un ou deux points à propos de ses aventures ultérieures, notemment sa conquête d'Andromede. Elle est enchainée, nue, à une falaise pour être sacrifiée à un monstre marin féminin qui ravage le royaume de son père. Pour la sauver, c'est la partie Orphique de l'histoire de Persée. Le monstre marin est connecté à Méduse, une autre version de Méduse peut-être, à travers sa relation à Poseidon. Néanmoins, cette fois, ce n'est pas Persée qui regarde la réflection du monstre, mais le monstre qui est distrait par l'image de Persée reflétée dans l'eau, rendant celui-ci apte à s'envoler et le decapiter. Nous découvrons que la manière dont l'inconscient apprehende nos images- nous imaginent- est aussi importante que celle dont nous imaginons celui-ci.
Le mythe de Persée me rappelle le mythe Inuit de la Mère des créatures marines, de laquelle tous les êtres dépendent. Dans les temps de mauvaises pêche, c'est la tache du chamane de la tribu de visiter cette déesse et de la persuader de libérer les créatures nécéssaires. Le problème est que tout comme Méduse, elle est une horrible sorcière, sentant le poisson et avec une chevelure emmêlée. Parce qu'elle habite le fond de la mer, le voyage du chamane est particulierement dangereux. Il doit plonger dans un etat d'extase ou transe pour une période prolongée. Il y a toujours un risque, comme dans toute aventure dans le monde daimonique de l'inconscient, de "se noyer". La méthode qu'il utilise pour apaiser la Mère des Créatures Marines est inattendue. Il n'y a pas de pression par exemple, pas question de la ramener à la surface de la conscience puisqu'elle est la fondation de toutes les créatures. Au lieu de cela, il doit simplement surmonter sa peur de sa terrible apparence et peigner ses cheveux. Ici, se présente une autre lecon sur comment approcher l'Autre Monde: avec courage, respect, et tendresse.
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