Le Gitan et le Loup
Une meute de loups était menée par un vieux loup redoutable qui avait vu beaucoup de dangers dans sa longue vie. Il avait craché dans l’œil de la mort bien des fois, toujours ressortant triomphant de tous ses combats.
Le vieux loup connaissait les lois de la forêt, savait que la forêt n’épargnait pas le faible, il savait aussi qu’un jour, il serait trop vieux pour mener la meute. Et alors, ils ne l’épargneraient pas.
Bien que ses vieilles blessures l’empêchaient de chasser aussi bien que dans sa jeunesse, il s’en sortait encore grâce à sa ruse, et continuait de courir à l’avant de la meute à l’affût de la proie.
Mais par un froid hiver, la chasse devint maigre ; et pour la première fois, il vit de la haine et du mépris dans les yeux gris de la meute. Désormais, il n’inspirait plus de peur aux jeunes loups ; ces derniers savaient qu’il se faisait vieux. La meute entière avait patiemment attendu ce moment lorsqu’elle pourrait se retourner contre celui qui était autrefois leur puissant meneur.
C’est à ce moment-là qu’il se décida.
Attendant la nuit la plus profonde, le vieux loup se leva en silence et commença de s’éloigner furtivement, se distançant des loups affamés. Mais ils sentirent sa fuite et se mirent à le poursuivre, bien qu’ils n’étaient pas aussi avisés sur les voies de la forêt. Il se maintint en tête de la meute, se dirigeant vers une clairière où il savait que la hutte d’un vieux gitan se trouvait.
À une époque, ce gitan, aussi, avait été le meneur d’une meute. Et quelle puissante meute de gitans elle était ! Il avait emmené ses gitans sur de nombreuses pistes, il avait été sage et audacieux ; ses paroles avaient souvent sauvé la meute de la malchance.
Le temps vint, néanmoins, de la vieillesse affaiblissant sa force de meneur, il pouvait le sentir dans ses os : il n’était plus assez fort pour tenir les rênes.
Un jour, alors que le clan passait l’hiver dans un village et que les familles étaient dispersées dans des huttes, le vieux chef rassembla ce qui lui restait de forces et s’esquiva pour se construire une hutte dans la forêt. Et au printemps, lorsque le clan gitan se mit en route, le chef n’était pas avec eux ; il demeurait seul dans la forêt. Personne ne l’avait vu, il avait dû finir dévoré par les loups affamés ou disparaître sous un amas de neige.
Il tomba parfois sur des loups, cela est vrai. Néanmoins, il en ressortait plutôt indemne, la meute de loups ne l’attaquant pas : leur chef l’ayant interdit. Le vieil homme ne savait pourquoi.
Donc le gitan vivait seul au milieu des arbres immenses. Il n’avait peur de personne, et lorsqu’une nuit, il entendit le hurlement inquiétant d’un loup près de sa hutte, il alluma une torche et ouvrit la porte. Les yeux tachetés d’or du vieux loup se plantèrent sur lui, comme s’ils demandaient de l’aide. À la lisière des arbres, il pouvait voir la meute de loups prêts pour l’attaque. Mais alors qu’il agitait sa torche, les loups se retirèrent, s’estompant dans les ténèbres.
Et les deux compères, le gitan et le loup, se regardèrent affectueusement ; le gitan caressa la vieille fourrure sur sa tête alors qu’il se couchait humblement à ses pieds.
Conte russe gitan que j'ai traduit.
Comments